Accueil » Éric Dupond-Moretti : « Nous vivons dans une société dichotomique, où l’art de la nuance a totalement disparu »

Éric Dupond-Moretti : « Nous vivons dans une société dichotomique, où l’art de la nuance a totalement disparu »

par Maxence Dozin

Ancien avocat, réputé pour sa capacité à faire acquitter ses clients, l’ancien Garde des Sceaux s’est reconverti dans le spectacle. Il était sur les planches à Bruxelles et Liège en ce début de semaine, et sera de retour au Cirque Royal le 17 décembre prochain pour une date supplémentaire. Dans son spectacle « J’ai dit oui », il met en lumière, avec humour, son expérience dans les coulisses du pouvoir.

21News : Au regard de votre précédent métier, trouvez-vous une satisfaction similaire à être en « représentation » devant un public que vous l’étiez devant un prétoire ? Qu’est-ce qui a pu motiver cette transition vers le spectacle ?

Éric Dupond-Moretti : D’abord, dans le prétoire, vous risquez une liberté qui n’est pas la vôtre, mais qui est celle de votre client, si vous le défendez mal. On parle de liberté et d’honneur des hommes, ce qui n’est pas rien. Au théâtre, au pire, on vous jette un caisson de tomates, donc les enjeux ne sont pas les mêmes. Mais il reste le plaisir de la prise de parole publique. Si vous êtes un homme public, que vous aimez vous exprimer en public, oui, il y a quelque chose d’à vrai dire assez jubilatoire que j’ai perdu lorsque j’ai quitté le métier d’avocat et que j’ai retrouvé, là, au théâtre, et que je trouvais également à l’Assemblée nationale ou au sénat.

21News : Ce plaisir de la prise de parole, vous l’avez toujours eu ?

EDM : Tout à fait.

21News : Parlons de votre spectacle. Peut-on soutenir qu’au-delà d’être comique, voire caustique, il se veut aussi comme d’utilité publique, pour « éduquer » sur les coulisses du pouvoir ? Est-ce ainsi que vous l’avez imaginé ?

EDM : Bien sûr. D’abord, je pense que quiconque se prend au sérieux est condamné à mourir d’ennui. Lorsque l’on se veut pédagogue, et que l’on a pour vocation de faire partager une expérience qui n’est pas forcément celle des spectateurs, il faut y mettre un peu d’humour, parce que la vie d’un ministre, c’est âpre, quand même, ce n’est pas rien. Je vais expliquer aux spectateurs, par exemple, pourquoi il y a de nos jours une distorsion entre gouvernants et gouvernés. Ce n’est rien non plus. Donc il faut y mettre de l’humour et de l’autodérision. Dans toute pédagogie, il faut un peu d’humour et d’autodérision, et je pense que, dans le seul en scène que je propose, il y a en a une bonne dose.

« Je pense que le wokisme a vécu »

21News : Abordons le sujet de l’humour. Lorsque l’on s’intéresse aux humoristes des années 1980 ou 1990, que cela soit Coluche, Desproges, on ne peut que s’enthousiasmer de leur côté éminemment subversif. On peut tout autant s’imaginer qu’ils seraient aujourd’hui cloués au pilori du politiquement correct. Comment, en tant qu’homme de spectacle, peut-on justement s’affranchir de ce poids ? Avez-vous vous l’impression d’être une « langue déliée », par rapport à ce que vous écrivez ?

EDM : Je n’ai en tout cas pas eu une seule seconde le sentiment de m’autocensurer. Maintenant c’est vrai que nous sommes dans une forme de langue obstinément contenue. La cigarette de Camus, on l’a enlevé de quelques photographies, la cigarette de Malraux aussi. Ce sont des procédés un peu soviétiques…

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