Une chronique de Merry Hermanus.
On se croirait dans le célèbre roman d’Agatha Christie, « Les dix petits… » (interdiction orwellienne de citer le titre en entier).
Certains disparaissent et on apprend, comme il se doit, que le coupable est le premier disparu. Dans le cas du mauvais roman de gare bruxellois, l’assassin est celui qui, n’ayant pas accepté sa défaite, veut tout bloquer pour tenter de faire chanter celui qui avait la lourde tâche de trouver un accord, j’ai nommé A. Laaouej… qui s’y voyait déjà. D’où le stupide et suicidaire veto sur la présence de la N-VA dans le gouvernement.
Un second démissionnaire
Donc, voici le second négociateur qui non seulement quitte les débats, mais annonce son retrait de la vie politique régionale et fédérale. En effet, Christophe De Beukelaer, patron des Engagés bruxellois, l’avait précédé, annonçant qu’il quitterait complètement la vie politique.
Si D. Leisterh et C. De Beukelaer quittent la politique, c’est qu’ils peuvent se le permettre. Ce ne sont pas des alimentaires, dont la qualité du bifteck dépend du mandat. On n’insiste pas assez sur ce point. Pourtant une analyse plus fine de la composition économico-sociologique des élus bruxellois est très éclairante. Pour la plupart des élus, le mandat est un véritable nirvâna aux antipodes de leur condition sociale d’avant l’élection. Ce sont ce qu’il est convenu d’appeler des gens méritants n’ayant au départ, à de très rares exceptions près, aucune profession satisfaisante, ni au plan des rémunérations ni au plan de l’épanouissement personnel. Dès lors, D. Leisterh et C. De Beukelaere ont été confrontés avec des gens pour qui le mandat est vital au sens premier du terme. Donc ils s’y accrochent comme la moule à son rocher… et envisagent les questions sous un angle très personnel. Et croyez moi, j’ai vécu cela, cela fait une fameuse différence.
La vérité, la seule vérité
La vérité, la seule vérité, c’est qu’en l’état, Bruxelles est ingouvernable. Trois majorités sont indispensables, l’une dans le groupe francophone, l’autre dans le groupe flamand et enfin une majorité globale dans l’ensemble des groupes représentés au parlement.
La vérité, la seule vérité, c’est que « le système », l’énorme lasagne cuisinée par Dehaene et Moureaux en 1988, ne peut plus fonctionner. Tout le monde en est conscient, mais personne n’ose en tirer la conclusion qui s’impose. Retirer la prise, prendre des mesures d’urgence, exceptionnelles, en attendant la réforme de tout le système. On m’objectera les termes et procédures de la loi spéciale, de la Constitution. Certes, mais quand un homme se noie et que pour le sauver on viole une loi, qui pourra affirmer qu’il s’agit d’un scandale ? Or, c’est de cela qu’il s’agit ! Le scandale, c’est ce gouvernement d’incapables, et l’absence de véritable alternance politique. Le scandale, c’est l’étouffement de Bruxelles sous des normes absurdes, contradictoires, sorties de cerveaux obscurs et fanatiques. Le scandale, ce sont les 14,5 milliards de dette, c’est le projet Kanal, c’est la ligne de métro 3, c’est le maquillage du budget, ce sont des augmentations de l’impôt cadastral de 44 % en 6 ans, ce sont les communes devenues des gouffres financiers, dont la survie dépend du subside régional pour un service à la population tous le jours plus déplorable. Le scandale, ce sont les tirs des narcotrafiquants, ce sont les zones de non-droit comme à Anderlecht, où le bourgmestre admet son impuissance tout en s’opposant à la fusion des zones de police, etc… Je laisse à chaque lecteur le soin de compléter cette liste.
La vérité, la seule vérité, c’est que les Bruxellois ont démontré qu’ils étaient incapables de gérer la Région, dans l’architecture institutionnelle actuelle. Qui ose encore en douter plus de 500 jours après les élections du 9 juin 2024 ?
Leisterh en a tiré la leçon, il s’en retourne respirer l’air frais des ombrages de la forêt de Soignes, en espérant exhaler ainsi au plus vite les miasmes fétides des bureaux politiques bruxellois. Comment lui donner tort ?
« Dans le marasme budgétaire, institutionnel, politique et financier où nous sommes, je propose de faire breveter la loi spéciale Dehaene – Moureaux afin d’en faire un jeu de société. »
Plus de 500 jours en face de A. Laaouej
Plus de 500 jours de négociation avec autour de la table Laaouej, toujours stupéfait d’avoir été battu par le MR alors qu’il avait centré sa campagne exclusivement sur le confessionnel et le communautaire. Triste trilogie : Gaza, le voile et l’abattage rituel – en somme la trinité de Laaouej. Il l’a dit lui-même : ainsi il se constitue un matelas de voix captives. Les vrais problèmes de Bruxelles ne semblent que très peu le concerner. Certain de sa victoire, en petit groupe de copains, ils s’étaient même répartis les rôles, les places étaient attribuées : pour Laaouej la présidence, cela allait de soi, pour Vervoort, le doux fauteuil doré à l’or fin de la présidence du Parlement – dont, paraît-il, la cave est excellente et fort bien fournie –, les voitures et les chauffeurs n’attendaient plus que son auguste et fatigué postérieur pour occuper ce mandat politique, le mieux rémunéré de la politique belge, lors de son exercice et… cerise sur la gâteau, même après avoir quitté la scène. Pourquoi se gêner ? Il reste quelques pourcents de contribuables pour payer. Et patatras ! ces foutus électeurs mettent tout par terre. Adieu mandats, prébendes, copains à placer… « Mais non, cela ne se passera pas comme cela on va tout bloquer au motif que la N-VA serait d’extrême droite, cela n’empêchera pas nos alliances municipales avec le PTB dans quelques communes, Hedebouw a une si bonne bouille, c’est le copain de bistro qui a réponse à tout… et quel bon sens, c’est du pur Bouvard et Pécuchet dans le texte, l’invention du fil à couper le beurre, tout est facile… Les riches payeront, demain on rasera gratis ! Quel orateur ! Et viva Cuba libre ! Il va de soi que Bruxelles s’associera à l’Alliance bolivarienne chère à Mélenchon, rejoignant Cuba, le Vénézuéla, le Nicaragua… que des gens sympas, de grands démocrates. »
Une hypocrisie dantesque
Lire la presse ce matin, c’est à pleurer de rire, tant on assiste à un festival d’hypocrisie. Martin Casier, supplétif de Laaouej, se répand partout : « m’enfin pourquoi Leisterh part, on avait un accord sur 85 % du budget ». Une hypocrisie poussée à ce point, c’est de la franchise. Casier oublie de dire que sur le milliard d’économies à réaliser, le PS exigeait de déduire les 360 millions cosmétiques que Sven Gatz avait retiré des budgets parmi d’autres farces ! Donc, la vérité, la seule vérité est que rien, rien n’est réglé, rien n’est acquis dans le très problématique budget 2026.
Deux pistes indispensables
Lors de la négociation institutionnelle qui, tôt ou tard, devra s’engager si on veut que les choses changent à Bruxelles, il convient d’envisager au plan électoral deux mesures essentielles, indépendantes de l’ensemble des structures des communes et de la Région :
- Il faut supprimer le vote multiple qui est l’arme fatale du communautarisme, cela empêchera le vote patronymique.
- Il faut relever le seuil électoral de 5 à 10 % afin qu’un parti soit représenté au parlement. C’est indispensable afin de liquider un émiettement qui empêche toute majorité cohérente et donne un droit de chantage à des formations microscopiques. (Chiffres bien sûr adaptés à la situation démographique des flamands à Bruxelles )
Faire un peu d’argent
Enfin dans le marasme budgétaire, institutionnel, politique et financier où nous sommes, je propose de faire breveter la loi spéciale Dehaene – Moureaux afin d’en faire un jeu de société. Je rappelle qu’après la grande crise de 29, le Monopoly a été inventé aux USA et fait encore gagner de l’argent à la famille de son créateur. Au moins, cette loi servirait à quelque chose !
Merry Hermanus
(Photo Belga James Arthur Gekière : de g. à dr. David Leisterh, Christophe De Beukelaer, Ahmed Laaouej)