Les images de Florennes devaient symboliser un tournant historique : l’entrée de la Belgique dans le club des armées dotées du F-35 Lightning II, chasseur furtif américain de cinquième génération. Le 13 octobre, trois appareils ont bien atterri en Wallonie, en présence du roi Philippe. Un quatrième, le FL011, est, lui, resté bloqué sur la base de Lajes, aux Açores, victime d’une panne encore non précisée. Selon la Défense, « l’appareil rejoindra la Belgique lorsque les conditions techniques seront réunies », sans plus de détails.
Ce contretemps ternit un programme déjà fragilisé. Commandés en 2018 pour un montant total de 5,6 milliards d’euros, les 34 F-35 belges sont censés remplacer les F-16 vieillissants et maintenir le pays dans le dispositif de dissuasion nucléaire partagé de l’OTAN. Mais au-delà de l’incident technique, une difficulté plus structurelle apparaît : la Belgique ne dispose tout simplement pas d’un espace aérien adapté à ces avions supersoniques.
Comme l’a reconnu le ministre de la Défense Theo Francken devant la Chambre, pour résoudre le problème, des discussions sont en cours avec l’Italie, la Norvège et les Pays-Bas pour que les pilotes belges puissent s’y entraîner. La Belgique, densément peuplée et traversée par des couloirs civils saturés, ne permet pas les manœuvres tactiques ou les vols à haute altitude nécessaires à la pleine exploitation du F-35.
Vers plus d’autonomie ?
D’autre part, certains observateurs soulignent une ce qu’ils trouvent contradictoire : que le contrat, censé renforcer la modernisation militaire et l’autonomie stratégique accentuerait en fait la dépendance envers les États-Unis. Comme le rappelle NLTO.fr, la Belgique a choisi le F-35 « pour rester dans le jeu », non pour « redéfinir les règles ». Cette situation révèlerait un déséquilibre industriel et idéologique en Europe : pendant que Paris, Berlin et Madrid développent le programme SCAF (Système de combat aérien du futur), Bruxelles maintient sa préférence pour la technologie américaine, sans retour industriel significatif ; la gageure serait alors de pouvoir, malgré les divergences technologiques internes, concilier les forces aériennes européennes en toute indépendance continentale.
Sur le plan politique, le gouvernement belge et ses partisans défendent une décision dictée par la solidarité atlantique. Face à eux, une partie de l’opinion publique reste dubitative devant cette hétérogénéité militaire, parce que pour elle, une Belgique trop exiguë pour ses ambitions aériennes et une Europe qui, en matière d’armement, achète encore sa sécurité plus qu’elle ne la construit, leur inspirent encore quelque doute.
La Rédaction
(BELGA PHOTO DIRK WAEM)