Manifester, défendre ses droits, revendiquer des réformes sociales, c’est normal dans une démocratie. Mais cette nouvelle paralysie de trois jours ne peut plus masquer une réalité brutale : la Belgique est financièrement au bord du précipice, et loin d’apporter une solution, cette grève risque d’aggraver encore davantage la situation et de refiler la note aux générations suivantes.
Notre État dépense bien plus qu’il ne gagne. Selon les prévisions économiques d’automne de la Commission européenne, la Belgique se dirige vers un déficit public de 5,3 % du PIB en 2025, 5,5 % en 2026 et 5,9 % en 2027. Si rien ne change, nous serons le pire élève de toute la zone euro en 2027. Jusqu’ici, ce triste record appartenait à la France, mais elle serait alors dans une situation moins critique avec un déficit de 5,3 %.
Pendant ce temps, les mauvais élèves d’hier, comme la Grèce, l’Espagne ou l’Italie, remontent la pente. L’Italie de Giorgia Meloni bénéficie aujourd’hui de taux d’intérêt plus avantageux que la France et a vu sa note financière rehaussée, une réalité qui devrait nous faire réfléchir.
Faire grève aujourd’hui, c’est faire croire que tout peut continuer comme avant, sauf que ce n’est plus possible. On ne pourra pas éternellement financer des pensions devenues la première dépense de l’État, avec des pensions qui se montent parfois à 5.000 euros nets par mois, soit trois fois le salaire de travailleurs qui se lèvent chaque matin. On ne pourra pas continuer à payer quatre euros une consultation médicale, à multiplier les gratuités dans les transports, à tolérer une fraude sociale massive, des abus dans le chômage ou dans l’incapacité de longue durée, comme récemment mis en lumière. On ne pourra pas garder un travail au noir massivement répandu, une fraude fiscale tout aussi préoccupante, ni une gabegie budgétaire permanente comme le dossier du musée Kanal à Bruxelles ou d’autres subsides distribués sans contrôle.
Soyons clairs : toute entreprise gérée comme l’État belge ferait faillite en un semestre, et ses dirigeants seraient remerciés. Mais la grève montre surtout que les mentalités n’ont pas suivi. Le monde change : l’intelligence artificielle, l’automatisation et les transformations économiques bousculent tout, mais une partie du pays semble encore persuadée que l’on peut vivre comme en 1985.
Si rien ne bouge, ce ne sont pas les syndicats qui décideront de l’avenir, mais le FMI, qui viendra dicter les coupes et les conditions, comme dans un pays en crise. Et ce jour-là, tout le monde perdra : travailleurs, entreprises, contribuables, jeunes et retraités.
Oui, la mobilisation sociale peut exister, mais elle doit être intelligente. Elle doit pousser à des réformes sérieuses : proposer un plan de redressement crédible, interroger l’efficacité de chaque euro public dépensé et penser à l’avenir plutôt qu’au confort du passé. Une grève fait du bruit, une réforme courageuse construit un héritage. Et aujourd’hui, ce dont la Belgique a besoin, ce ne sont pas trois jours d’arrêt, mais une prise de conscience nationale que l’on ne peut plus vivre à crédit sur le dos de nos enfants.
Nicolas de Pape
(Photo Belga Marius Burgelman : un passager dans le hall des départs de Brussels Airport, en ce jour de grève du 14 octobre 2025)