Accueil » Lettre ouverte à M. Deswaef (Carte blanche)

Lettre ouverte à M. Deswaef (Carte blanche)

par Contribution Externe

Monsieur Deswaef,

Vous avez choisi, en toute conscience, de participer à une mission militante. C’est votre droit.

Vous avez voulu témoigner de votre engagement pour la dignité du peuple palestinien. Cela vous honore.

Mais rien, absolument rien, ne vous autorise à piétiner la mémoire des morts pour légitimer votre cause.

Dire, comme vous l’avez fait, que votre détention en Israël était « digne d’un camp de concentration » — et affirmer peser vos mots — n’est pas une erreur de langage : c’est une faute morale. Une profanation.

Un camp de concentration, ce n’est pas une prison. Ce n’est pas une garde à vue prolongée.

C’est l’enfer organisé : la faim, la nudité, la maladie, la mort industrielle.

C’est l’effacement de l’humanité, la négation du nom, du visage, du corps.

C’est un univers où l’on cessait d’être une personne pour devenir un numéro tatoué sur la peau.

Oser cette comparaison, c’est faire commerce de la douleur extrême des autres. C’est violer la mémoire de ceux qui n’ont plus de voix.

Vous n’avez pas été déporté, Monsieur, vous avez été arrêté. Et cela, suite à votre décision de faire partie de cette expédition.

Vous n’avez pas été affamé, vous avez choisi une grève de la faim.

Vous n’avez pas été réduit à l’état d’animal, vous avez été défendu par une ONG israélienne.

Vos conditions de détention étaient peut-être injustes ou indignes — c’est possible, et il faut les dénoncer. Mais elles n’ont rien, absolument rien à voir avec les camps de concentration.

On peut, on doit même, défendre le peuple palestinien sans tomber dans cette abjection.

On peut dénoncer les violences, l’occupation, la faim organisée, l’humiliation d’un peuple, sans salir les mots, sans falsifier l’histoire, sans profaner la mémoire des victimes du nazisme.

Il existe mille manières de militer : vous avez choisi la plus ignoble, celle qui compare ceux qui vous ont arrêté à l’État nazi.

Ce glissement sémantique, cette perversion du langage, est précisément ce qui nourrit la haine antisémite aujourd’hui décomplexée dans nos rues.

Votre phrase n’est pas une simple maladresse.

Elle participe d’un climat où l’on banalise la Shoah pour mieux délégitimer les juifs, où l’on réécrit le mal pour le redistribuer selon ses sympathies politiques.

Vous qui prétendez défendre les droits humains, vous devriez savoir que la vérité historique est elle aussi un droit fondamental. Et que la mémoire des morts ne se manipule pas.

Vous vouliez faire un geste symbolique ? Vous avez commis une faute historique.

Vous vouliez dénoncer une injustice ? Vous avez semé le mépris.

Vous prétendiez défendre la dignité ? Vous l’avez trahie.

L’humanisme n’est pas un slogan.

C’est une exigence.

Et cette exigence commence par le respect de la vérité.

Kamel Bencheikh, contribution externe

(BELGA PHOTO ERIC LALMAND)

You may also like

Êtes-vous sûr de vouloir débloquer cet article ?
Déblocages restants : 0
Êtes-vous sûr de vouloir annuler l'abonnement ?