Au Nigeria, plusieurs dizaines de milliers de chrétiens ont été tués depuis quinze ans, des villages entiers ont été rayés de la carte et des millions de personnes ont fui leur foyer. ONG chrétiennes, autorités nigérianes, institutions internationales et médias occidentaux s’affrontent toutefois sur la qualification de ces violences : persécution systématique, « génocide chrétien », ou insécurité généralisée où musulmans et chrétiens paient un tribut comparable ?
L’horreur, rapportée par 20 Minutes, d’une attaque filmée en direct, mardi dernier, d’une messe dans l’État de Kwara, faisant deux victimes, ravive la médiatisation de la douleur du Nigéria, qui ne contrôle pas la violence déchaînée qui le ravage.
Depuis la fin des années 2000, le Nigeria est devenu l’un des principaux foyers de violence contre les chrétiens dans le monde. Global Christian Relief parle d’un « centre mondial des martyrs chrétiens », rappelant que, certaines années, le nombre de chrétiens tués par des groupes extrémistes y dépasse celui du reste du monde réuni. Selon un rapport publié en avril 2023 par l’International Society for Civil Liberties and Rule of Law et repris par cette organisation, au moins 52 250 chrétiens auraient été tués en quatorze ans, « simplement pour le crime d’être chrétiens », tandis qu’Open Doors évoque plusieurs milliers de morts chaque année et des millions de déplacés, majoritairement des agriculteurs chrétiens chassés de leurs terres.
Un épicentre de la violence anti-chrétienne selon les ONG
Les organisations chrétiennes de terrain dressent un constat particulièrement sombre. Elles rappellent que douze États du nord, à majorité musulmane, ont proclamé la charia en 1999, créant un environnement juridique et social défavorable aux minorités chrétiennes. Depuis 2009, l’essor de Boko Haram puis de l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP) a ouvert une séquence de violence d’une intensité inédite.
Dans cette perspective, Boko Haram et ISWAP sont au cœur du projet assumé d’éliminer le christianisme des États du nord et, plus largement, d’instaurer un ordre islamiste. Ces groupes ont à de multiples reprises désigné les chrétiens comme ennemis à abattre, et en octobre 2025, une publication de l’État islamique a directement menacé les chrétiens d’Afrique de mort ou d’expulsion s’ils refusaient de se convertir.
Les données recueillies par l’Observatory for Religious Freedom in Africa, ajoutent une dimension statistique : dans le nord du Nigeria, un chrétien serait 6,5 fois plus susceptible d’être tué par des extrémistes qu’un musulman, et 5,1 fois plus susceptible d’être enlevé, toutes choses égales par ailleurs. Pour ces organisations, il ne s’agit pas de nier la souffrance des musulmans, mais de souligner une vulnérabilité spécifique des chrétiens. L’ONG Intersociety, par exemple, dirigée par Emeka Umeagbalasi, estime qu’au moins 7.000 chrétiens auraient été tués au Nigeria entre janvier et novembre de cette année, et évoque jusqu’à 800 captifs chrétiens retenus dans un camp de Rijana, à proximité de positions militaires, sans intervention décisive des forces de sécurité.
Un conflit multiforme qui touche aussi les musulmans
D’autres lectures insistent au contraire sur le caractère plus diffus et moins strictement religieux de la violence. Une enquête de l’Associated Press part du récit d’un pasteur et de ses fidèles enlevés dans l’État de Kaduna, sommés de renoncer au christianisme et témoignant de co-détenus tués sous leurs yeux. Mais selon des données d’ACLED (Armed Conflict Location & Event Data Project) et du Nigeria Security Tracker du Council on Foreign Relations, des dizaines de milliers de civils ont été tués depuis plus d’une décennie dans une mosaïque de violences où les victimes sont tant chrétiennes que musulmanes.
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