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Quand l’IA sape l’université de l’intérieur

par A.G.

Dans un éditorial édifiant publié dans New York Magazine, le journaliste James D. Walsh raconte comment l’usage généralisé de l’IA générative — ChatGPT en tête — est en train de transformer l’enseignement supérieur en vaste supercherie collective. De Columbia à Santa Clara, des étudiants délèguent désormais tout à des machines, avec la bénédiction tacite d’administrations débordées et de professeurs désabusés. Un système entier vacille, sans que personne ne semble prêt à en tirer les conséquences.

Chungin “Roy” Lee, étudiant en informatique à Columbia, illustre une nouvelle génération d’élèves pour qui l’intelligence artificielle n’est plus un outil d’apprentissage, mais un moyen systématique de triche. Utilisant ChatGPT pour rédiger 80 % de ses devoirs, Lee admet n’avoir que “20 % de voix humaine” dans ses rendus. Sa philosophie est limpide : les cours sont “hackables” et l’université ne vaut que pour les contacts qu’on y fait – futurs associés ou partenaires sentimentaux. En février 2024, il cofonde Interview Coder, un outil pour tricher lors d’entretiens à distance. Puni pour “promotion de triche”, il est suspendu, mais loin de se repentir, Lee lance ensuite Cluely, un assistant IA en temps réel destiné à automatiser toute réflexion, jusque dans les rendez-vous amoureux.

L’article montre que Roy Lee n’est pas un cas isolé. Partout, des étudiants de toutes disciplines et niveaux délèguent à ChatGPT, Claude, Gemini ou Copilot la rédaction de leurs devoirs, la prise de notes ou l’organisation de leurs idées. Des enseignants tentent de riposter par des pièges, des oraux ou des détecteurs d’IA, souvent inefficaces. Une étude de 2024 révèle que 97 % des essais générés par IA passent inaperçus.

La banalisation de cette triche remet en cause la finalité même des études supérieures. Des professeurs expriment leur désarroi face à une génération qui n’apprend plus à penser. Le philosophe Troy Jollimore redoute un avenir où des diplômés “illettrés” accèderont au monde du travail. Pour d’autres, c’est l’université elle-même, devenue un rite de passage désincarné dans une économie de plus en plus utilitariste, qui est à blâmer.

James D. Walsh décrit une crise existentielle de l’enseignement supérieur : une institution vidée de sa substance intellectuelle, où IA et étudiants collaborent pour trafiquer le sens même de l’éducation. Le plus inquiétant ? Cette mutation semble déjà irréversible.

A.G.

(Photo : Belpress)

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