En affaires courantes depuis plus d’un an, le gouvernement bruxellois n’a pas vraiment donné de signe de ralentissement de ses grands chantiers de réaménagement urbain. Le démarrage des travaux au rond-point Schuman en est une nouvelle illustration. Après les élections régionales, certains promettaient d’« en finir avec Good Move », ou du moins d’en atténuer les excès.
Force est de constater que cela paraît compromis, pour au moins trois raisons :
- Il n’existe pas de gouvernement de plein exercice capable de contrebalancer la « vision » écologiste qui dominait l’équipe sortante.
- Les réaménagements déjà lancés, parfois lourds et coûteux, rendent difficile tout retour en arrière. Quand des sites comme la porte de Hal sont réaménagés avec force trottoirs et égouts, il est peu probable que la Région, déjà lourdement endettée, finance à nouveau des travaux pour refluidifier la circulation automobile.
- Groen, avec ses 4 députés bruxellois sur les 19 du rôle flamand, restera un partenaire incontournable dans la formation d’un prochain gouvernement. Le parti écologiste aura sans doute son mot à dire pour maintenir cette orientation.
Ainsi, le réaménagement de Schuman démarre à la fin du mois tandis que la Place Louise devrait être aussi « végétalisée » alors que ce nœud routier est déjà problématique. Pour les Brabançons qui rentrent dans la ville par Boitsfort, l’avenue Delleur et la chaussée de la Hulpe ne sont plus qu’à une bande de circulation avec une large piste cyclable qui fait double emploi, le tout soigneusement bétonné pour ne jamais revenir en arrière.
Serge Litvine, patron de la Villa Lorraine, le rappelle dans nos colonnes : le commerce de qualité et de proximité n’est pas un enjeu électoral prioritaire pour la plupart des partis bruxellois. Attirer en voiture une clientèle bourgeoise venue de la périphérie vers les restaurants gastronomiques du centre-ville ne figure pas en haut de l’agenda politique. La énième augmentation des tarifs de stationnement en est un signal clair : elle décourage le client motorisé pour des parkings de « dissuasion » en périphérie payants eux-aussi et phagocytés par la population locale.
Quant aux navetteurs flamands et wallons, ils sont souvent perçus comme une contrainte plutôt qu’une ressource. Ils ne votent pas à Bruxelles et consomment peu, hormis dans les sandwicheries proches de leurs bureaux – quand ils n’apportent pas leurs tartines ou plats végétariens dans un tupperware.
Le centre historique, lui, vit largement du tourisme international. Entre hamburgers, gaufres et selfies devant Manneken-Pis, l’offre est calibrée pour la demi-journée. Des expositions de qualité, comme la récente rétrospective Jules Verne à la galerie Horta, complètent ce tableau.
Au final, Bruxelles semble de plus en plus pensée pour deux publics : les bobos bruxellois en trottinette électrique et les touristes de passage. Les autres usagers apparaissent relégués à l’arrière-plan.
Nicolas de Pape
(Photo : Belpress)