Photo de police de Salah Abdeslam
Dix ans après les attentats du 13-Novembre, la France découvre, ébaubie, que le dernier survivant des commandos terroristes islamistes, Salah Abdeslam, enfermé à Vendin-le-Vieil, disposait d’un ordinateur et communiquait par internet avec le monde extérieur ; une forfaiture dans un dispositif censé être impénétrable, au moment même où l’homme soudainement contrit dit vouloir rencontrer des victimes au nom de la « justice restaurative ».
À Vendin-le-Vieil, dans ce centre pénitentiaire de haute sécurité du Pas-de-Calais, Salah Abdeslam mène une existence bien loin de l’isolement absolu promis à l’auteur du pire massacre qu’ait connu la France moderne. Condamné à la perpétuité incompressible pour sa participation aux attentats du 13 novembre 2015, celui que l’on croyait hors du monde s’est ménagé un espace de manœuvre inattendu. Depuis plusieurs mois, l’administration a découvert qu’il disposait d’un ordinateur personnel, censé lui servir à suivre des cours, mais pas à lire une clé USB au contenu propagandiste jihadiste. L’objet n’a pas été retrouvé, mais les connexions détectées sur la machine ont suffi à alerter la justice antiterroriste, qui a ouvert une information judiciaire et placé trois personnes en garde à vue, dont l’ancienne compagne d’Abdeslam.
Le ministre de la Justice français Gérald Darmanin s’est dit « sidéré » d’apprendre qu’un tel détenu pouvait posséder un ordinateur, même non connecté. L’équipement avait été autorisé par l’administration pénitentiaire, avant que le ministre n’y mette fin. Il a assuré avoir ordonné « des fouilles systématiques pour les détenus les plus dangereux », soulignant la nécessité de « changer le modèle carcéral » après ce qu’il a qualifié de « dysfonctionnements incontestables ». La clé USB aurait permis de transférer de la propagande islamiste sur l’appareil d’Abdeslam, une découverte jugée suffisamment grave pour justifier une prolongation exceptionnelle de la garde à vue de l’une des suspectes, mesure réservée aux enquêtes terroristes.
Un régime d’isolement gauchi
La prison de Vendin-le-Vieil, réputée l’une des plus sûres du pays, abrite une poignée de détenus classés « DPS » pour « détenus particulièrement signalés », parmi lesquels figure aussi le braqueur multirécidiviste Rédoine Faïd. Abdeslam y est soumis à un régime d’isolement renouvelé régulièrement, malgré ses nombreux recours. Il vit dans une cellule individuelle de douze mètres carrés, avec un accès encadré à la promenade, trois séances de sport et une visite familiale par semaine. En apparence, rien de scandaleux, si ce n’est que la discipline s’est étiolée au fil des mois ; correspondances amoureuses, circulation d’objets interdits, communication avec l’extérieur sous couvert d’un cadre légal ont battu leur plein.
L’affaire de la clé USB s’ajoute à une martingale troublante et interlope. L’ancien logisticien du 13 novembre 2015 aurait, selon Paris Match, endossé un rôle de « guide spirituel » auprès de certains codétenus, leur prodiguant conseils et sentences religieuses dans une logorrhée pseudo-théologique, au point d’en devenir une coqueluche de la prison. Loin du mutisme qu’il affichait au procès, il se serait recyclé en figure de prosélytisme et de fascination morbide. C’est là que l’affaire prend une dimension vertigineuse : à mesure que s’effritent les garanties d’isolement, se reconstruit le réseau symbolique d’un homme qu’on croyait silencié.
Pour la justice, la situation est d’autant plus paradoxale qu’au même moment, Salah Abdeslam, par la voix de son avocate, a exprimé son souhait de participer à un processus de justice restaurative. Il dit vouloir « ouvrir une porte » aux victimes, « expliquer, peut-être discuter ». Une idée qui s’inscrit dans une démarche encouragée par certaines associations et même évoquée, début novembre, par le parquet national antiterroriste, soucieux de structurer de telles initiatives dans les affaires du registre terroriste.
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