Le PDG de Dassault Aviation, Éric Trappier, ne cache plus son irritation. Alors que la Belgique souhaite devenir un membre à part entière du programme SCAF (Système de combat aérien du futur), il dénonce une posture incohérente : Bruxelles continue d’acheter des avions de chasse américains.
À l’occasion de la présentation des résultats semestriels du groupe, Éric Trappier a une nouvelle fois pointé du doigt le choix belge. « Si Bruxelles renonce à acheter des F-35, la Belgique est la bienvenue », a-t-il lancé, en référence au récent engagement du pays à commander 11 F-35 supplémentaires à Lockheed Martin, en pleine guerre commerciale entre l’Europe et les États-Unis.
Pour lui, difficile de concevoir qu’un pays investissant massivement dans une flotte américaine jusqu’en 2060 demande, dans le même temps, à rejoindre pleinement un programme européen visant à concevoir un avion de sixième génération. « Ça veut dire qu’ils achèteront européen dans 20 ans », raille-t-il. « C’est presque plus honnête de dire “on verra plus tard” que de vouloir les deux en même temps. »
Une logique industrielle remise en question
Lancé en 2017 par la France et l’Allemagne, rejoint par l’Espagne en 2019, le programme SCAF doit remplacer à terme les Rafale français et les Eurofighter allemands et espagnols. Son pilotage à trois têtes freine déjà la prise de décision, regrette Éric Trappier, qui appelle à un leadership clair. « Citez-moi un seul projet industriel ambitieux qui fonctionne sans chef de file. Il faut un leader pour avancer. »
Le PDG rappelle le précédent du démonstrateur de drone de combat nEUROn, développé avec six partenaires européens, mais sous direction française. Une réussite, selon lui, car Dassault y avait tenu le rôle de maître d’œuvre. « À trois, on a déjà du mal. Alors à quatre ? », interroge-t-il, sceptique sur l’ajout de la Belgique au consortium.
Bruxelles avance ses pions
Côté belge, le gouvernement assume pourtant sa volonté de s’impliquer dans le SCAF. Dans sa récente « Vision stratégique », le ministère de la Défense indique que des ressources budgétaires ont déjà été prévues pour la prochaine phase de développement du programme, qui doit mener au vol d’un démonstrateur. À partir de 2030, d’autres crédits devraient suivre, même si aucun montant n’est précisé à ce stade.
À l’horizon 2040, la Belgique évoque une « flotte mixte » composée de F-35 et d’un futur appareil européen, une « voie intéressante qu’il conviendra d’explorer ». Une approche qui ne convainc guère Éric Trappier, pour qui les retombées économiques et industrielles du programme SCAF ne peuvent être ouvertes à un pays qui mise sur le made in USA.
La rédaction
(Photo by Tobias SCHWARZ / AFP)