Les États-Unis et l’Ukraine ont signé un accord majeur visant à donner à Washington un accès prioritaire aux ressources minières ukrainiennes, notamment les terres rares, essentielles à l’industrie technologique.
Le partenariat, officialisé le 30 avril par le secrétaire américain au Trésor Scott Bessent et la vice-première ministre ukrainienne Yulia Svyrydenko, inclut la création d’un fonds d’investissement conjoint, le United-States–Ukraine Reconstruction Investment Fund, destiné à financer leur exploitation.
Cet accord, présenté comme un signal de soutien américain à la souveraineté de l’Ukraine, s’inscrit dans une stratégie plus large de l’administration Trump pour obtenir une forme de « compensation » à l’aide massive fournie à Kiev depuis 2022. L’accord, toutefois, ne constitue ni un remboursement explicite ni une prise de contrôle de l’économie ukrainienne, comme cela avait été proposé dans une version précédente refusée par Kiev.
L’Ukraine conserve la pleine propriété de ses ressources et en garde la maîtrise de l’exploitation, comme l’a précisé Svyrydenko. Le traité devra néanmoins être ratifié par la Rada, le parlement ukrainien.
Une « compensation » pour l’aide apportée par le camp américain
L’idée d’un tel partenariat remonte à septembre 2024, à l’occasion d’une rencontre entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky. Une fois élu, Trump en fit un objectif central, affirmant que les États-Unis devaient être « remboursés » pour leur aide militaire, estimée par son administration à 350 milliards de dollars, bien au-delà des estimations officielles (175–185 milliards).
Les négociations ont été marquées par des tensions. En février, Bessent avait présenté une version initiale jugée inacceptable par Zelensky : elle prévoyait que les États-Unis prélèvent 50 % des revenus de l’industrie minière ukrainienne, sans garantie de sécurité en retour. La situation se détériora encore lors d’une visite de Zelensky à Washington, après des accusations d’« ingratitude » de la part du vice-président JD Vance. En réaction, les États-Unis avaient temporairement suspendu leur aide militaire et le partage de renseignement, indispensables pour les forces ukrainiennes.
Un compromis politique
Parallèlement, l’administration Trump avait présenté en avril un projet de cessez-le-feu impliquant la renonciation de Kiev à la Crimée et à quatre autres provinces partiellement occupées, soit près de 20 % du territoire ukrainien. Face à la résistance ukrainienne, les États-Unis menaçaient de se retirer des pourparlers.
L’accord minier, dans une version moins déséquilibrée, apparaît comme un compromis politique. Il permet à Trump de revendiquer un succès tangible 100 jours après sa prise de fonction, même en l’absence d’un cessez-le-feu. Pour l’Ukraine, il constitue une ouverture vers une administration initialement hostile, sans pour autant obtenir de garanties sécuritaires.
Un changement de cap ?
Ce partenariat porte sur l’ensemble des ressources minières du pays, y compris les hydrocarbures. L’Ukraine dispose de gisements stratégiques : graphite (batteries électriques), titane, lithium et terres rares, ces dernières représentant environ 5 % des ressources mondiales. Une partie importante de ces gisements est cependant située dans l’est du pays, notamment le Donbass, aujourd’hui occupé par la Russie.
Par ailleurs, le ton adopté par les États-Unis pour annoncer l’accord s’est durci vis-à-vis de Moscou, dénonçant clairement l’« invasion à grande échelle » et la « machine de guerre russe », marquant une inflexion du discours américain depuis le retour de Trump à la Maison-Blanche.
Maxence Dozin
(Photo Belgaimage)