Une enquête internationale menée conjointement par l’Anti-Defamation League (ADL) et la World Union of Jewish Students (WUJS) démontre que près de huit étudiants juifs sur dix (78 %) dissimulent leur identité religieuse sur les campus universitaires, et plus de huit sur dix (81 %) leur identité sioniste. Jamais une étude n’avait, jusqu’ici, dressé un tableau aussi global de la situation des étudiants juifs à travers le monde.
L’étude, réalisée durant l’année académique 2024-2025, a interrogé 1.727 étudiants dans plus de 60 pays répartis sur six continents. Elle vient compléter les recherches déjà menées aux États-Unis par l’ADL, en apportant cette fois une perspective internationale. Les résultats confirment une tendance inquiétante : le climat universitaire, censé être un espace d’ouverture et de débat, devient au contraire pour beaucoup d’étudiants juifs un lieu d’hostilité et d’exclusion.
« Quand plus des trois quarts des étudiants juifs estiment devoir cacher leur identité pour leur sécurité, c’est la preuve d’une crise majeure », dénonce Marina Rosenberg, vice-présidente des affaires internationales de l’ADL.
Témoignages glaçants
Victoria, étudiante en études juives à l’université de Vienne, raconte son quotidien marqué par la peur : « Il y avait un campement pro-Intifada glorifiant le Hamas sur le campus, et déjà des graffitis antisémites sur notre bâtiment. Nous avons dû annuler un séminaire et sortir par une porte dérobée, tant la peur d’être ciblés était forte. J’ai eu l’impression de revivre les années 1930, quand les étudiants juifs étaient chassés de leurs universités. »
Les données recueillies révèlent un climat hostile généralisé :
- 34 % des répondants connaissent des coreligionaires juifs menacés physiquement.
- 19 % disent en connaître qui ont été directement agressés.
- Les étudiants orthodoxes sont deux fois plus discriminés que les autres.
- Près de 30 % des demandes d’aménagements académiques pour motifs religieux sont refusées, avec un pic à 44 % en Europe.
- Les étudiantes juives sont plus nombreuses que les étudiants à cacher leur identité (82 % contre 73 %).
- Dans près d’un cas sur trois (29 %), les discriminations viennent des camarades de classe, bien davantage que du corps professoral (9 %).
Après le 7 octobre, une montée en flèche
Josh Cohen, président de la WUJS, rappelle que ces chiffres ne tombent pas du ciel : « Depuis le 7 octobre, les étudiants juifs alertent partout dans le monde sur l’isolement et l’hostilité auxquels ils font face. Les résultats de cette enquête confirment la gravité de la situation. Nous demandons aux universités de collaborer étroitement avec les syndicats étudiants juifs pour garantir sécurité et respect. »
Les organisations signataires de l’étude appellent les établissements à agir rapidement. Parmi les recommandations :
- adopter et mettre en œuvre la définition de l’antisémitisme proposée par l’IHRA (Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste),
- nommer des coordinateurs spécialisés dans la lutte contre l’antisémitisme,
- assurer la formation des pairs et la recherche régulière sur le climat universitaire,
- offrir des procédures claires et équitables pour les aménagements religieux.
Une alerte mondiale
Cette étude s’inscrit dans un contexte où les signaux d’alarme se multiplient. En janvier dernier, un sondage mondial de l’ADL montrait que 46 % des adultes adhèrent à des croyances antisémites. En mai, les sept plus grandes communautés juives dénonçaient un antisémitisme « sans précédent » depuis la Seconde Guerre mondiale.
À la rentrée 2025, le message envoyé aux autorités académiques est clair : ne rien faire équivaut à cautionner un climat où des milliers d’étudiants juifs, partout dans le monde, n’osent plus être eux-mêmes.
La rédaction
(Spencer Platt/Getty Images/AFP)