L’Arizona peut bien s’écharper sur l’Eurovision ou sur la dernière résolution « pour la paix » à Gaza, et nos médias s’en délecter comme d’un feuilleton moral. Il faut pourtant rappeler une évidence que personne n’ose dire tout haut : la Belgique, en matière de Proche-Orient, n’a strictement aucune influence. Ni sur le Hamas ni sur Israël.
Cette impuissance n’empêche pas une frénésie médiatique quasi morbide autour du conflit israélo-palestinien. Une obsession qui dépasse de loin l’intérêt stratégique, et dont les conséquences sont bien réelles : elle ravive l’antisémitisme, fracture nos communautés et crée artificiellement des lignes de front dans nos rues. Sans cette instrumentalisation politique et identitaire du conflit, il y a fort à parier que nos concitoyens juifs et arabes s’entendraient parfaitement. Peut-être même mieux qu’au sein de certains partis bruxellois.
Mais il faut croire que les tensions à Gaza sont plus rentables en clics que les petits scandales au CPAS d’Anderlecht.
La Belgique impuissante
Notre ministre des Affaires étrangères, Maxime Prévot, l’a bien reconnu ce 20 mai sur La Première : la « petite Belgique » est impuissante. Concentrons-nous sur ce qui peut avoir de l’impact, comme organiser un pont aérien pour parachuter de l’aide humanitaire aux civils de Gaza. Pour cela il faut aussi garder des bons rapports avec tous, car même pour cela on doit agir avec différents acteurs de la région dont Israël, les Américains ou le Qatar.
Et justement, ce même jour, on apprend que plus de 100 camions de ravitaillement ont été autorisés à entrer dans Gaza, et qu’un Fonds d’aide humanitaire indépendant devrait être opérationnel fin mai. Il permettrait – fait rarissime – d’éviter le siphonnage de l’aide par le Hamas. Voilà un progrès concret, loin des proclamations brumeuses de nos cénacles diplomatiques.
Une autre évidence dérange : l’empathie sélective de notre intelligentsia. Les souffrances du peuple palestinien mobilisent sans relâche artistes, professeurs et éditorialistes. Mais qui parle du Kivu ? Qui se soucie du Sud-Soudan, où la famine fait rage dans l’indifférence générale ? Visiblement, certaines victimes valent plus que d’autres.
Nicolas de Pape
(Photo Belga – Saeed Qaq/ZUMA Wire)