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« Bruxelles, c’est moi ! » (Chronique)

par Luckas Vander Taelen

Le « nee » de Conner Rousseau à une alliance de gauche à Bruxelles a froissé Ahmed Laaouej. En guise de mesure de rétorsion, le président du PS bruxellois a suggéré de virer son colocataire socialiste. Ahmed Laaouej aurait-il des accents trumpiens ? Une chronique de Luckas Vander Taelen.

Toute série qui se respecte commence par un résumé des épisodes précédents. Ainsi, tout le monde est à jour.

Quiconque écrit sur Bruxelles doit malheureusement faire de même. Car la politique de la capitale est tombée au niveau d’un soap opera, avec des acteurs qui auraient plus leur place dans une comédie de boulevard à portes claquées.

Donc, pour que tout soit clair, je vous raconte ce qui s’est passé la semaine dernière. Vooruit a mis fin à une tentative d’Ahmed Laaouej (PS) de former un « gouvernement progressiste », avec Ecolo et le PTB du côté francophone, et Groen et Team Ahidar du côté néerlandophone.

Vooruit à la rue

Laaouej était furieux du « coup de poignard dans le dos » de ses camarades flamands. Il ne voulait plus entendre parler de listes communes aux élections communales avec Vooruit. Le PS présenterait ses propres candidats néerlandophones. Conner Rousseau a répliqué spirituellement que son parti offrirait alors des places à des francophones.

Tout cela, vous le saviez déjà. Mais le spectacle ne s’est pas arrêté là. La colère du président des socialistes bruxellois ne s’était nullement apaisée. À tel point que les présidents du PS et de Vooruit ont convoqué une réunion d’urgence dans leur siège commun.

Selon le journaliste Wouter Verschelde, un événement notable s’est produit à cette occasion — un événement qui en dit long non seulement sur le niveau déplorable de certains de nos politiciens, mais aussi sur la personnalité singulière d’Ahmed Laaouej.

Laaouej, profondément offensé, aurait suggéré à son président Paul Magnette de résilier le contrat de location qui lie le PS à Vooruit. En d’autres termes : expulser les collègues néerlandophones du bâtiment commun du boulevard de l’Empereur, propriété du PS. Les mettre à la rue, donc…

C’est assez remarquable que cette idée rancunière ait pu germer dans l’esprit de Laaouej. Son parti a toujours pris la défense des locataires, et a récemment fait adopter une loi au parlement bruxellois rendant presque impossible pour un propriétaire d’expulser un locataire. Sauf s’il s’agit de Flamands, apparemment.

Laaouej a ainsi mis de côté, sans difficulté, ses principes idéologiques élevés. Heureusement, son président a fait preuve de plus de diplomatie, et Vooruit peut rester.

Des désaccords dans une démocratie

Ahmed Laaouej devrait pourtant savoir qu’il n’est pas anormal d’avoir des divergences d’opinions — même entre socialistes — et que cela constitue le fondement même de notre démocratie. Il n’était donc pas scandaleux que Conner Rousseau ait, par exemple, exprimé des doutes sur la fiabilité de Team Ahidar, dont un membre est allé chercher au Maroc, la semaine dernière, un imam radical très controversé qu’il a accompagné fièrement à Molenbeek.

Et Rousseau avait peut-être aussi des questions sur le programme d’économies inexistant de ce « front populaire ». Le PTB et Ecolo déclarent clairement qu’ils refusent toute politique d’austérité. Ce qu’ils ne disent pas, c’est comment ils comptent réduire le trou budgétaire de plus d’un milliard et demi. Ou la montagne de dettes.

Laaouej dit vouloir faire quelque chose pour redresser les finances catastrophiques, mais entend le faire sur une décennie. C’est pure folie, car les taux d’intérêt vont augmenter à cause de la dégradation de la note de crédit de Bruxelles, et il ne restera plus d’autre option que d’augmenter les impôts.

Toute personne raisonnable — y compris un politicien bruxellois — a bien le droit d’émettre des réserves, non ? Non, répond Laaouej : quiconque s’oppose à son idée d’un gouvernement progressiste est un traître.

C’est simple ! Mais menacer ensuite un parti d’expulsion, c’est aller trop loin. Cela montre chez Laaouej une tendance autoritaire jusqu’ici peu remarquée. Cela rappelle un autre politicien assez imbu de lui-même : Donald Trump. Ce dernier menace l’Espagne de sanctions douanières car elle remet en question la fameuse norme des 5 % au sein de l’OTAN. Il mêle sa politique économique à des débats militaires. C’est ce qu’on appelle une confusion des genres. Laaouej souffre du même mal : il voulait punir Vooruit pour un désaccord politique en se vengeant sur un tout autre terrain — le contrat de location. C’est du jamais vu.

La Flandre comme ennemi

On peut bien reconnaître à Laaouej une grande intelligence et une bonne maîtrise des dossiers. Mais il combine ces qualités avec une soif insatiable de pouvoir. Et une autre faiblesse apparaît : son manque d’expérience politique de haut niveau et l’absence de liens avec le monde néerlandophone. Il ne voit la Flandre que comme un ennemi, incarné par la N-VA qu’il considère comme le cheval de Troie de forces d’extrême droite, contre lesquelles il se dresse en héraut révolutionnaire, drapeau rouge à la main.

J’avais déjà remarqué des accents trumpiens chez Laaouej, lorsqu’il a ignoré les règles bien établies de formation du gouvernement bruxellois et imposé froidement ses exigences aux néerlandophones lors de la formation de leur majorité. Son obsession est de devenir le leader absolu de la gauche, en affaiblissant deux partis : le PTB, concurrent à gauche, et Team Ahidar sur le terrain religieux.

Le comportement de Laaouej jette une lumière étrange sur la campagne de réforme que mène le PS, sous le slogan « Sans Tabou ! ». Car penser autrement que la direction du parti reste, dans la plus pure tradition stalinienne, un tabou bien vivant au PS…

Ahmed Laaouej ne se voit dans qu’un seul rôle : celui de ministre-président. Les autres partis sont prévenus : tout doit céder devant l’ego de Laaouej, dont la devise semble être : « Bruxelles, c’est moi ! ».

Luckas Vander Taelen, chroniqueur 21News

(Photos Belga : Jonas Roosens – Nicolas Maeterlinck)

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