L’économiste, professeur à l’UCLouvain, estime que le gouvernement poursuit une piste « intéressante », mais que les objectifs sont irréalistes.
21News : Que vous inspire l’accord dit « d’été » signé par le gouvernement De Wever à la veille de la fête nationale ?
Jean Hindriks : Je pense que la première priorité telle que revendiquée par le gouvernement De Wever, c’était de faire grimper le taux d’emploi, de 72 à 80%. Or, les vingt dernières années nous montrent que le maximum que l’on puisse atteindre par législature est de l’ordre de 2%. Le gouvernement est donc par nature trop optimiste, ou sa communication confère à l’effet d’annonce. C’est un premier point.
Nous avons, en Belgique, un problème structurel d’emploi. L’industrie est en déclin de 15% depuis 2022. Les délocalisations sont massives. La Chine s’attaque notamment désormais au secteur tertiaire, et depuis peu, les Américains sont occupés à siphonner nos emplois par l’application de leurs droits de douane et ces 15% qui ne sont pas négligeables.
Un « devoir de réalisme »
Il devient de plus en plus difficile pour les entreprises belges d’exporter à l’international, non seulement à cause de ces nouveaux droits de douane, mais également à cause du taux de change qui leur est défavorable. Or, le marché américain reste le principal marché d’exportation pour les entreprises belges et européennes. Nos emplois dépendent notamment de notre capacité à exporter sur le marché américain mais il y a désormais un « mur » dans le chemin. Ce mur ne tient pas tant à faire payer une taxe qu’à nous pousser à délocaliser aux États-Unis les industries européennes.
Nous avons un devoir de réalisme : la situation est assez critique et nous devons nous poser la question de savoir dans quelle mesure le raison « mère » des accords de juillet – maîtriser le déficit –, est encore pertinente au regard de cette nouvelle donne liée aux droits de douane.
Cet accord de gouvernement, je l’estime, défie les lois de la gravité. C’est plus facile d’augmenter les impôts que de faire baisser les dépenses, c’est bien connu. Dans cet accord de gouvernement, il y a un bon nombre d’impôts supplémentaires, dont l’impôt sur les plus-values, mais on a beaucoup de mal à réduire les dépenses. Notamment les dépenses militaires, qui passent à plus de 2% du PIB. Mais aussi les soins de santé. La norme de croissance en la matière passe de 2,5% à 3%. Ce sont de grosses sommes.
Et enfin, de facto, les dépenses de pension vont continuer à augmenter deux fois plus vite que les recettes, au regard de la dynamique démographique qui prévaut. On nous dit que l’on a fait un effort, mais il représente à peine 300 millions d’euros. C’est à peine 0,5% du budget des pensions, et cette mesure ne concerne que 65.000 pensionnés, principalement du secteur public. Ce n’est donc en aucun cas une « réforme » ou une maîtrise du système de pensions. Je suis certes favorable à la direction qui est prise, mais les engagements me semblent très insuffisants.
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