C’est une image qui circule partout : Sydney Sweeney, solaire, désinvolte, denim taille basse, dans la dernière campagne American Eagle. Une pub qui ne prétend rien d’autre que ce qu’elle montre : du style, de la jeunesse, du plaisir. Et c’est précisément ce qui en fait un tournant dans l’histoire récente de la publicité.
Cette campagne est un raz-de-marée, des dizaines de millions de vues et de partages et une action qui s’envole en bourse, ce dernier critère étant sans doute l’un des plus regardé rationnellement par un dirigeant d’une société pour voir si une publicité est une réussite ou un échec. Le clip publicitaire d’American Eagle ne cherche pas à « éduquer » le public, ni à coller à un discours socialement validé. Il vend une émotion, une esthétique, une envie. Et le public, saturé de messages moralisateurs et de publicités calibrées pour ne froisser personne, répond présent. C’est peut-être la meilleure preuve que l’ère du wokisme dans la publicité touche à sa fin.
Plaire aux masses, pas à une niche
Car en face, le précédent Bud Light reste dans toutes les mémoires : en 2023, la marque de bière américaine s’associe à l’influenceuse trans Dylan Mulvaney dans une campagne qui se voulait inclusive. Le résultat : boycotts massifs, ventes en chute libre, image de marque pulvérisée, un cours de bourse d’AB Inbev qui s’effondre. Pourquoi ? Parce que le message sonnait faux. Parce qu’il n’était pas pensé pour le public, mais pour le signal envoyé à une minorité vocale — sans cohérence avec la marque ni avec sa clientèle. C’était une pub plus préoccupée de vertu que de vérité.
Ce que démontre le succès d’American Eagle, c’est qu’on entre dans une nouvelle ère post-woke : les marques qui veulent survivre ne peuvent plus se contenter d’aligner des slogans creux ou des postures idéologiques. Le public — surtout jeune — veut de la sincérité. Il peut être engagé, oui, mais il veut surtout qu’on lui parle avec franchise, sans surcouche politique permanente.
Sydney Sweeney incarne cette rupture : elle ne coche pas toutes les cases du progressisme militant, elle est clivante, elle assume sa féminité, elle ne s’excuse pas d’être sexy. Et pourtant (ou justement pour cela), elle cartonne. Parce qu’elle est réelle, et que le public, lassé des avatars bien-pensants et aseptisés, recherche une forme de vérité émotionnelle. Alors, est-ce la fin du wokisme dans la publicité ? Peut-être pas complètement. Mais c’est clairement la fin de son hégémonie. La fin de cette peur panique d’être mal interprété. Le retour à une publicité plus libre, plus esthétique, plus audacieuse.
Nicolas de Pape
(Photo Anthony Behar/Sipa USA : publicité pour les jeans American Eagle avec Sydney Sweeney sur Times Square)