On a vu s’afficher, sur les réseaux sociaux et dans certaines rues, des sourires extatiques après les élections de Sadiq Khan à Londres et celle de Zohran Mamdani à New York. Certains y ont vu une revanche symbolique, comme si l’Occident venait enfin de « reconnaître » quelque chose à l’islam politique.
La scène prête à réfléchir : la démocratie occidentale se réjouit d’accueillir la diversité ; d’autres se réjouissent qu’elle le fasse — sans jamais envisager la réciproque.
Car enfin, posons la question sans trembler : verrait-on demain un copte à la mairie d’Alexandrie, un bahaï à Téhéran, ou simplement un agnostique diriger Islamabad et un athée Alger ?
À peine formulée, la question semble inconvenante.
On répondra : « Cela ne se fait pas ».
Voilà tout le problème.
Ici, nous ouvrons.
Là-bas, on verrouille.
Et une partie de l’intelligentsia occidentale, qui devrait défendre l’égalité des droits partout, s’est désormais habituée à ce déséquilibre. Elle l’accepte, elle l’explique, elle le théorise même — au nom d’un relativisme culturel devenu catéchisme.
Ce sont ces nouveaux gardiens du « progressisme émotionnel », ces wokistes de chaire et de réseau, qui ont troqué l’universel contre le confort moral de la compassion sélective.
Ils ménagent l’intolérance, pourvu qu’elle vienne d’ailleurs.
Ils excusent l’illibéralisme, pourvu qu’il soit exotique.
Ils appellent cela « respect ».
Ils se trompent : ce n’est que renoncement.
Pendant ce temps, deux écrivains — parmi d’autres — parlent dans le désert.
Salman Rushdie, marqué dans sa chair pour avoir réclamé le simple droit d’écrire. Il l’a payé de son sang en perdant l’usage d’un œil et d’un bras.
Boualem Sansal, qui persiste à dire que la liberté ne vaut que si elle vaut pour tout le monde. Le voilà derrière les barreaux depuis une année quand même. Sans aucune raison valable.
Eux ont compris ce que tant feignent d’ignorer : on ne dialogue qu’avec celui qui accepte que l’autre existe. On ne partage que ce que l’on est prêt à voir partagé. Et la liberté n’est pas divisible. Si vous la coupez en deux, elle disparaît.
Acclamer l’ouverture ici tout en trouvant normal qu’elle soit impossible ailleurs n’a rien d’un progrès.
C’est le contraire exact : c’est l’acceptation tranquille d’un monde à deux vitesses.
Un monde où certains auraient « vocation » à être libres, et d’autres « vocation » à obéir.
L’universalisme n’est pas un thème de colloque.
C’est une exigence ! Elle ne négocie pas.
Parce que les droits humains, tant qu’ils ne sont pas partout, ne sont nulle part.
Kamel Bencheikh, écrivain – contribution extrerne
(Image: Derek French/SOPA Images via ZUMA)