Le général Mandon
Toute la presse en a parlé, le général Fabien Mandon, chef d’état-major des armées françaises, s’est publiquement exprimé mardi soir devant le Congrès de maires de France sur le conflit militaire européen, et a provoqué la polémique en nommant le risque réel d’un jour devoir sacrifier des enfants français sur l’autel d’une guerre avec la Russie, pour lui plus réaliste que beaucoup ne pensent.
Voici l’intégralité de son discours, qui permet de comprendre analytiquement pourquoi il a entre autres prononcé cette phrase déjà fameuse aux remous qui ont dépassé les frontières de la seule France.
Mesdames et Messieurs les Maires de France, je suis vraiment impressionné. Impressionné parce que vous représentez nos territoires. Vous représentez toutes les jeunes femmes et les jeunes hommes qui ont choisi de porter l’uniforme des armées françaises. J’ai donc un petit peu l’impression de parler à notre pays dans toutes ses dimensions et à tous ceux qui représentent aussi la jeunesse qui est engagée aujourd’hui dans les armées et que j’ai la chance de commander. Mais, si j’ai accepté cet échange ou ce moment avec vous, c’est parce que le moment, pour moi, est particulièrement grave.
Je ne veux pas dépeindre un tableau trop noir, mais le président de la République me demande de lui permettre de protéger les Français et les Françaises, de protéger nos intérêts, de protéger notre pays dans toutes les circonstances. Naturellement, je regarde l’évolution au-delà de nos frontières. Très sincèrement, aujourd’hui, je vois que toute l’anticipation qui avait été faite sur notre pays et qu’on trouve dans les grands documents d’évaluation stratégique de notre environnement est en train de se concrétiser et, malheureusement, la dégradation s’accélère.
C’est important pour notre population et donc important pour vous qui êtes le premier maillon au contact de nos concitoyens d’avoir ce temps où je partage avec vous ce que je perçois du monde et des défis de sécurité pour nous.
Tout d’abord, un petit panorama entre nous de ce qui se passe autour de nous et après, peut-être dans un deuxième temps de manière concrète, ce que l’on peut faire ensemble pour aider notre pays à être au rendez-vous des défis. Premier grand phénomène : on a un désengagement des États-Unis de l’Europe. C’est quelque chose qui, pour nous, était quasiment impossible parce que c’est le pays de la liberté, un pays proche, un pays qui a participé à notre libération du joug allemand, un pays avec lequel on a des relations extraordinaires dans tous les domaines.
Pourtant, depuis plusieurs présidents américains, de manière constante, on voit que, dans le domaine de la défense, les États-Unis sont en train de se concentrer sur l’Asie. Il y a quelques semaines, les Américains ont décidé de retirer leurs troupes de Roumanie, où ils avaient plusieurs milliers de soldats dans un moment où la guerre est sur notre continent. Les Roumains ont été menacés par les Russes au début de l’attaque de l’Ukraine. Les Américains retirent leurs forces du flanc est de l’Otan. Ils ne le retirent pas totalement. Ça n’est pas un désengagement brutal, ce qui permettra aux optimistes d’espérer qu’ils vont rester.
Le film, si on le regarde depuis vingt ans, c’est un mouvement inexorable de bascule vers l’Asie avec des partenaires militaires de grande qualité avec lesquels je peux échanger régulièrement. Ils me disent « on est préoccupés de l’évolution de la Chine ». Je sais que, pour vous, la Chine, c’est déjà une empreinte économique avec des exploitations de bois, des relations commerciales, des opportunités. Et on observe tous l’économie chinoise qui est aujourd’hui très présente. On voit les véhicules chinois dans nos rues avec une bascule du « made in China » au « made by China », nos enfants, nos parents qui ont les téléphones Huawei en main.
La Chine est une puissance démographique, vous le savez, c’est pas nouveau. Elle est devenue une puissance économique majeure et, dans le domaine militaire, la Chine pose un problème de puissance militaire aux États-Unis. Elle a pu se perfectionner dans tous les domaines. Pour ceux qui ont regardé les images très mises en scène du 3 septembre en Chine, où le président chinois accueillait un ensemble de leaders, il a fait défiler ce qu’il y a de mieux au monde aujourd’hui en termes d’équipements militaires, des drones aux satellites, aux missiles balistiques, à des forces qui défilaient avec une rigueur et un ordre extraordinaires. Il a fait la démonstration de sa puissance militaire.
Pour l’instant, la Chine ne l’utilise pas. Elle est toujours dans une logique de puissance douce qui s’affirme doucement dans son environnement proche et qui va conquérir souvent par une approche économique des territoires, un peu plus d’emprise, un peu plus d’influence. Je pense en particulier à nos outre-mer, la Polynésie, la Nouvelle-Calédonie, où la pression des ressources s’exerce doucement mais fermement. Aujourd’hui, quand je regarde la pénétration des zones économiques exclusives autour de la Nouvelle-Calédonie ou autour de la Polynésie, les endroits où les armées françaises sont présentes, notre souveraineté est respectée, mais, partout ailleurs, la prédation s’exerce : la pêche, les ressources naturelles. Et la Chine est un de ses acteurs de prédation.
Vous avez deux grands acteurs en train de se séparer progressivement de l’Europe en termes de priorités pour se concentrer vers la Chine qui s’affirme comme puissance avec le risque de confrontation avec les États-Unis. Aujourd’hui, vous avez au Pentagone une horloge visible de tous les officiers qui servent sur place et qui décomptent tous les jours jusqu’en 2027, parce que, pour les États-Unis en 2027, la Chine s’empare de Taïwan et entre dans la confrontation. Ce que je veux dire, c’est que ce n’est pas uniquement des analyses de renseignements. Vous avez la première puissance mondiale aujourd’hui qui affiche au cœur de sa défense un horizon 2027 et d’affrontements possibles. C’est pour moi le premier élément d’évolution de notre contexte qui va définir les paramètres de notre sécurité.
Nous avions hier la visite du président Zelensky à Paris. C’est la guerre sur notre continent. Depuis maintenant presque quatre ans. En 2008, la Russie décide d’attaquer la Géorgie. En 2014, elle s’empare de la Crimée. En 2022. elle relance une attaque en Ukraine en s’emparant de quatre régions qu’elle a quasiment conquises aujourd’hui. Quand on regarde ce film, il n’y a aucune raison d’imaginer que c’est la fin de la guerre sur notre continent. Malheureusement. Malheureusement, la Russie aujourd’hui, je le sais par les éléments auxquels j’ai accès, se prépare à une confrontation à l’horizon 2030 avec nos pays. Elle s’organise pour ça, elle se prépare à ça et elle est convaincue que son ennemi existentiel, c’est l’Otan, ce sont nos pays.
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