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Chaque francophone paie environ quatre-vingt euros par an pour financer la RTBF (Carte blanche)

par Contribution Externe
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Ce montant de 80 euros est prélevé indistinctement, qu’on regarde la chaîne ou non, qu’on l’apprécie ou qu’on n’en consomme jamais une minute. Un nourrisson, un étudiant, un indépendant débordé, une personne âgée qui n’allume plus la télévision : tous contribuent de la même manière. Il ne s’agit pas d’un service optionnel, mais d’un impôt culturel obligatoire.

Cette obligation pouvait encore se justifier à l’époque où l’information était rare. Quand deux ou trois chaînes se disputaient l’espace médiatique, quand la diversité des points de vue dépendait de quelques rédactions, quand l’accès à la culture et à l’actualité passait nécessairement par un diffuseur centralisé, il existait une légitimité aux médias publics. Ils constituaient une garantie d’accès minimal, une forme de bien collectif.

Mais nous ne vivons plus dans ce monde-là. L’information est devenue abondante, instantanée, internationale. Le divertissement, lui, est illimité. Avec un smartphone dans la poche, chaque citoyen dispose aujourd’hui de milliers de sources, professionnelles ou amateurs, locales ou mondiales. La rareté a disparu. Le prétexte historique aussi.

Reste l’argument de la neutralité, souvent invoqué pour justifier un média financé par l’État. Ce serait l’espace du juste milieu, le garant d’une forme d’équilibre national. Or c’est précisément celui qui s’est le plus effrité. La RTBF, malgré les efforts évidents de nombreux professionnels consciencieux, n’est plus perçue comme un arbitre mais comme un acteur. Pas une semaine ne passe sans que des choix éditoriaux, des angles de reportage, des orientations narratives ne soient interprétés comme le reflet d’une culture politique bien identifiable. Ce n’est pas tant le signe d’un complot que celui d’un système.

Un média financé par le pouvoir politique ne peut jamais se défaire totalement de ce pouvoir. On peut se convaincre du contraire, mais la réalité institutionnelle est têtue : les nominations, les budgets, les trajectoires stratégiques dépendent d’autorités partisanes. Un média public n’est jamais un média neutre. Il est, au mieux, un média toléré dans les limites du cadre politique qui le finance.

Ce décalage entre la prétention d’impartialité et la perception réelle crée une difficulté supplémentaire : on impose aux citoyens de financer des contenus qu’ils n’approuvent pas toujours, une ligne éditoriale qu’ils ne partagent pas nécessairement et un ton général qui n’est pas celui de l’ensemble du pays. Dans une démocratie moderne, où l’on peut choisir son journal, sa plateforme, ses opinions et même sa manière de s’informer, il est étonnant presque anachronique, que l’on ne puisse pas choisir de ne pas financer la RTBF.

Il faut donc avoir le courage de dire ce que beaucoup pensent sans oser l’écrire : le modèle actuel n’est plus défendable. Ce n’est ni un drame ni une attaque. C’est une lucidité. L’État n’a pas vocation à produire du divertissement. Il n’a pas vocation à fabriquer une culture officielle. Et il n’a certainement pas vocation à imposer une vision politique, même subtile, à travers un dispositif médiatique centralisé.

La seule évolution cohérente, à ce stade, est la privatisation de la RTBF. Cela ne signifie pas la disparition de l’information, bien au contraire. Cela signifie la libérer. Une RTBF privatisée devrait convaincre ses téléspectateurs plutôt que ses ministres. Elle devrait séduire plutôt que capter des dotations. Elle devrait prouver sa pertinence plutôt que la décréter. Son indépendance deviendrait réelle, non proclamée : elle ne dépendrait plus de décisions politiques, mais de sa capacité à servir le public qui, lui, choisirait librement de la suivre ou non.

On objectera que la privatisation mettrait en danger le pluralisme. C’est ignorer que le pluralisme n’a jamais été aussi large qu’aujourd’hui, précisément parce que l’État n’a plus le monopole de l’information. On objectera que la culture serait menacée. C’est oublier que les créateurs, les producteurs, les artistes n’ont jamais disposé d’autant de canaux, de plateformes, de moyens de diffuser leurs œuvres sans passer par une institution publique.

La vérité est simple : la RTBF n’a plus besoin d’être publique. Et les citoyens n’ont plus à financer une institution dont la mission originelle a disparu, dont l’impartialité est contestée et dont le modèle économique repose sur une obligation plutôt que sur une demande réelle.

Un média véritablement indépendant ne dépend pas de l’État. Il dépend de son public. Et c’est précisément ce que la RTBF devrait devenir : un média libre, responsable, moderne, délivré de la tutelle politique qui limite sa crédibilité autant qu’elle conditionne sa survie.

Il est temps d’oser cette réforme. Non par hostilité envers ceux qui y travaillent, mais par respect pour ceux qui la financent.

Xavier Corman, entrepreneur dans la Fintech

(Photo Belgaimage)

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