Soudain, la ratification de l’accord commercial entre l’UE et le bloc commercial latino-américain Mercosur (qui comprend l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay) ne semble plus aussi certaine. Le Parlement européen exige des mesures de protection plus strictes dans l’accord commercial, suite à la vive opposition d’un certain nombre d’États membres. Céder trop à ces exigences risque toutefois de nécessiter la réouverture des négociations avec le Mercosur, ce qui n’est pas vraiment une perspective réjouissante, car celles-ci se poursuivent depuis 25 ans.
Malheureusement, la Belgique ne soutiendra pas le Mercosur, mais en raison de la pression exercée par le secteur agricole, elle s’abstiendra. Les Engagés, le CD&V et le MR seraient à l’origine de cette décision, ignorant les avantages majeurs pour l’économie belge, qui dépend du commerce.
Si le Parlement européen n’approuve pas l’accord le 16 décembre, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ne pourra pas se rendre au Brésil le 20 décembre, comme prévu, pour une cérémonie de signature.
En novembre, les États membres de l’UE ont déjà soutenu un accord mettant en place des mesures de sauvegarde pour les produits agricoles, mais des opposants comme la France semblent toujours susceptibles de voter contre, à la suite d’un vote unanime de son Parlement national contre l’accord avec le Mercosur. La décision du Conseil de l’UE sera prise à la majorité qualifiée.
Par ailleurs, le président français Emmanuel Macron menace la Chine de droits de douane plus élevés, à moins qu’elle ne prenne des mesures pour réduire le déficit commercial toujours croissant du pays avec l’Union européenne. Lors de sa visite en Chine au début du mois, il a exhorté les dirigeants chinois à renforcer la coopération sur les déséquilibres commerciaux mondiaux « insoutenables », la géopolitique et l’environnement. Après coup, M. Macron a déclaré :
« J’ai essayé d’expliquer aux Chinois que leur excédent commercial est insoutenable parce qu’ils tuent leurs propres clients, notamment en n’important plus beaucoup de chez nous. (…) Je leur ai dit que s’ils ne réagissaient pas, nous, Européens, serions contraints, dans les mois à venir, de prendre des mesures fortes à l’instar des États-Unis, comme l’imposition de droits de douane sur les produits chinois. »
Répondre au défi chinois
Tout cela montre que les forces du protectionnisme sont toujours bien vivantes en Europe, malgré le revirement des cercles européens en faveur du libre-échange, suite à la politique tarifaire du président américain Donald Trump.
Un autre exemple en est la publication récente par la Commission européenne de sa proposition visant à ce que 70 % des biens essentiels soient « fabriqués en Europe ». Ces dispositions visant à obliger les organismes publics à acheter européen ont toutefois suscité certaines réactions négatives. Bruno Jacquemin, du groupe industriel français Alliance pour les minéraux, métaux et matériaux, a déclaré : « Je doute de l’efficacité pratique d’un système géré depuis Bruxelles », ajoutant : « L’Europe doit-elle dévoiler toutes ses actions en matière de défense nationale ? Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée de le proclamer haut et fort. »
Le fait que la Chine domine le raffinage de plus de 90 % des terres rares dans le monde est évidemment une préoccupation légitime, en particulier lorsqu’il s’agit de produits liés à la défense. La Chine a menacé d’imposer de nouvelles limites à l’exportation de terres rares en octobre, après les restrictions déjà mises en place en avril, donnant un nouvel élan à ce débat. En outre, un contrôle bureaucratique accru sur les chaînes d’approvisionnement pourrait bien se retourner contre nous au final.
De plus, plusieurs États membres de l’UE s’opposent désormais à la proposition « Buy European ». Une coalition menée par la République tchèque, qui comprend également l’Estonie, la Finlande, l’Irlande, la Lettonie, Malte, le Portugal, la Slovaquie et la Suède, craint que l’UE ne finisse par se nuire à elle-même si elle isole certains secteurs de l’économie du reste du monde.
Politico note qu’un document de position tchèque, signé par les autres États, exhorte la Commission européenne à « faire preuve de la plus grande prudence possible lors de l’élaboration de l’approche de la « préférence européenne », ajoutant : « L’adoption de règles disproportionnées sur la « préférence européenne » comme norme dans nos politiques pourrait risquer […] d’aggraver la méfiance à l’égard du système commercial multilatéral et de l’UE en tant que partenaire fiable et prévisible. »
Personne ne parle plus de « découplage » avec la Chine, l’accent étant désormais mis sur la « réduction des risques ». Cela passe en partie par la diversification des échanges commerciaux. Si l’UE souhaite s’engager dans cette voie, elle ne doit toutefois pas torpiller un accord commercial âprement négocié avec une juridiction amie, telle que le Mercosur.
Deux poids, deux mesures envers les partenaires commerciaux
Les relations commerciales de l’UE avec les puissances économiques émergentes d’Asie du Sud-Est se sont également détériorées ces dernières années, principalement en raison de l’avalanche de réglementations écologiques imposées par l’UE, qui ont également alourdi la bureaucratie pour les entreprises importatrices et exportatrices.
Heureusement, la situation semble évoluer, maintenant que l’UE assouplit les règles de durabilité des entreprises et réduit les obligations de déclaration et autres exigences bureaucratiques imposées aux entreprises. La « simplification » des directives sur la déclaration de durabilité des entreprises (CSRD) et la diligence raisonnable en matière de durabilité des entreprises (CS3D) est au moins un premier pas dans la bonne direction.
De plus, les nouvelles règles de l’UE en matière de déforestation ont nui aux bonnes relations commerciales avec le reste du monde, notamment avec l’Asie du Sud-Est. Cette nouvelle réglementation européenne exige des exportateurs de cacao, de café, de soja, d’huile de palme, de bœuf et de produits connexes qu’ils démontrent que les terres utilisées pour la production n’ont pas fait l’objet de déforestation depuis la fin de 2020. Elle a fortement detérioré les relations entre l’UE et ses partenaires commerciaux d’Asie du Sud-Est, tels que la Malaisie et l’Indonésie.
Les États membres de l’UE ont désormais convenu de prolonger une nouvelle fois le règlement, cette fois jusqu’à la fin décembre 2026, au lieu de le laisser entrer en vigueur à la fin décembre de cette année. Une clause de révision, axée sur la simplification, qui doit être mise en œuvre d’ici avril 2026, est également prévue. Cette décision des États membres, approuvée par la suite par le Parlement européen, passe outre la Commission européenne, qui avait proposé de ne retarder la mise en œuvre que pour les micro et petites entreprises, les grandes et moyennes entreprises bénéficiant simplement d’un délai de grâce de six mois.
La raison officielle du report fournie par la Commission européenne était que les systèmes informatiques gérant la conformité à l’EUDR n’étaient pas prêts, mais peu de gens ont cru que c’était la véritable raison. De nombreuses entreprises européennes ont été consternées par cette décision, et le fait que l’EUDR ait véritablement perturbé les relations commerciales entre l’UE et ses principaux partenaires commerciaux a également joué un rôle clé.
Après que le président américain Trump ait réussi à obtenir une exemption de facto pour les produits américains, des pays comme l’Indonésie et la Malaisie, qui sont de grands exportateurs d’huile de palme, ont demandé la même chose. La Malaisie considère donc comme particulièrement injuste que ses importations soient classées par l’UE comme présentant un « risque standard », contrairement à la classification américaine qui les considère comme présentant un « faible risque », étant donné que la déforestation en Malaisie s’est considérablement améliorée, les ONG reconnaissant une réduction de13 % l’année dernière. Selon Global Forest Watch, la Malaisie n’a perdu que 0,56 % de sa forêt primaire restante en 2024. C’est moins que la perte de 0,87 % enregistrée par la Suède.
Le double standard de l’UE en matière commerciale est également visible avec la taxe climatique protectionniste européenne « Carbon Border Adjustment Mechanism » (CBAM), qui impose des prélèvements aux partenaires commerciaux qui ne suivent pas la politique climatique suicidaire de l’UE, ainsi qu’une bureaucratie importante, même pour les entreprises européennes. Incroyablement, le fonctionnement de ce système n’est toujours pas clair, même s’il est censé entrer en vigueur le 1er janvier.
Là encore, les États-Unis ont obtenu des concessions, ce qui a conduit l’Afrique du Sud à demander à être également exemptée, compte tenu du coût pour les économies africaines résultant du CBAM. Tout comme pour les règles de l’UE en matière de déforestation, les tentatives d’imposer des règles aux partenaires commerciaux suscitent le mécontentement, un double standard et un manque de progrès dans l’ouverture du commerce entre l’UE et le reste du monde. Tout cela n’est pas sans rapport avec la volonté de l’UE de « réduire les risques » liés à la Chine.
L’UE va trop loin en matière de réglementation technologique
Les États-Unis veulent que l’UE aille plus loin dans l’assouplissement des politiques environnementales. L’ambassadeur américain auprès de l’UE, Andrew Puzder, vient de réitérer l’opposition des États-Unis aux règles « ESG » telles que le CS3D, avertissant que celles-ci pourraient entraver la capacité de l’Europe à importer de l’énergie, en déclarant :
« Lorsque vous adoptez des réglementations qui imposent des obligations de zéro émission nette aux compagnies pétrolières, et que ces obligations s’étendent non seulement à la chaîne d’approvisionnement directe, mais aussi à la chaîne d’approvisionnement indirecte d’entreprises qui n’ont en réalité aucun lien avec l’Europe… vous rendez très difficile pour ces producteurs de fournir à l’Europe l’énergie dont elle a besoin. »
En outre, l’administration Trump est également très préoccupée par la réglementation européenne en matière de technologie et par les amendes incessantes infligées par la Commission européenne aux grandes entreprises technologiques américaines, notamment plus de 9,5 milliards d’euros d’amendes à Google, filiale d’Alphabet Inc., et l’ordre donné par l’UE à Apple de rembourser à l’Irlande des arriérés d’impôts s’élevant à 13 milliards d’euros, le tout pour des motifs fragiles et plutôt arbitraires.
En réponse, Trump a menacé d’imposer de nouveaux droits de douane et des restrictions à l’exportation de technologies de pointe. Selon certaines informations, les responsables américains auraient déclaré qu’ils ne lèveraient pas les droits de douane de 50 % sur les produits sidérurgiques et aluminium tant que l’UE n’assouplirait pas ses règles en matière de technologie.
La Commission européenne ne semble pas s’en soucier. Deux mois seulement après l’amende inattendue de 2,95 milliards d’euros infligée à Google, la Commission européenne a annoncé une nouvelle amende, cette fois à l’encontre de Twitter/X, d’un montant de 120 millions d’euros. L’un des arguments avancés par l’UE était que les coches bleues attribuées aux utilisateurs dits « vérifiés » sur X seraient « trompeuses », car il suffit de payer pour obtenir une telle coche.
L’interprétation de la Commission est déjà exagérée, car le système précédent, avant le rachat par Elon Musk, impliquait que les employés de X déterminent qui méritait d’être vérifié et qui ne le méritait pas, sur la base de critères obscurs. Cependant, même si l’on était d’accord avec la position de la Commission européenne, dans une démocratie, il est clair que les autorités ne devraient pas infliger des amendes massives à des entreprises privées pour cette raison. Tout cela est une preuve supplémentaire que la Commission européenne est complètement hors de contrôle.
Pieter Cleppe – contribution externe
(Hans Lucas via AFP)