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Mercosur : l’Europe au pied du mur, entre colère agricole, calculs politiques et crédibilité mondiale

par Harrison du Bus
©PHOTOPQR/SUD OUEST/GUILLAUME BONNAUD

Après vingt-cinq ans de négociations, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur semblait enfin prêt à être signé. Tout était en place pour une cérémonie au Brésil, censée consacrer la naissance de la plus vaste zone de libre-échange du monde. Mais à la dernière minute, l’Union a freiné. La signature a été repoussée à janvier, officiellement pour « laisser du temps » à certains États membres. En réalité, ce report révèle une Europe profondément divisée, sous pression sociale, tiraillée entre intérêts agricoles, ambitions industrielles et enjeux géopolitiques majeurs.

Négocié depuis un quart de siècle entre l’UE et les pays du Mercosur — principalement le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay — l’accord vise à abaisser progressivement la quasi-totalité des droits de douane entre les deux blocs. Il ouvrirait un marché de plus de 700 millions de consommateurs et permettrait aux entreprises européennes d’accroître leurs exportations de véhicules, de machines, de produits chimiques, de vins et de fromages, tandis que l’Europe accepterait des quotas accrus de produits agricoles sud-américains.

Conclu politiquement en 2024 après d’ultimes ajustements, le texte attend encore sa ratification formelle. Et c’est précisément cette dernière étape qui se révèle la plus explosive. À Bruxelles, la Commission européenne espérait obtenir cette semaine le feu vert des États membres afin que sa présidente, Ursula von der Leyen, puisse se rendre au Brésil pour signer l’accord aux côtés du président Lula. Mais la mécanique institutionnelle européenne a grippé.

L’Italie, nouveau pivot d’un jeu à 27

Le déclencheur du report est venu de Rome. L’Italie, traditionnellement favorable au Mercosur, a soudain demandé du temps. La première ministre Giorgia Meloni a expliqué au président brésilien qu’elle n’était pas opposée au fond de l’accord, mais qu’elle faisait face à une « embarras politique » lié à la pression des agriculteurs italiens et aux tensions internes de sa coalition, où Matteo Salvini reste très hostile au texte.

Ce mouvement italien a bouleversé les équilibres. En droit européen, un accord commercial de cette ampleur requiert une majorité qualifiée : au moins 55 % des États membres représentant 65 % de la population de l’Union. La France, la Pologne et la Hongrie s’opposant déjà au Mercosur, un alignement durable de l’Italie sur Paris aurait suffi à constituer une minorité de blocage. À l’inverse, un ralliement italien rendrait la signature quasiment inévitable, même sans la France.

C’est pourquoi Rome est devenue la pièce maîtresse du jeu. Après un entretien téléphonique avec Lula, Meloni a demandé « une semaine, dix jours, au plus un mois » pour convaincre son camp. Le président brésilien, qui avait initialement menacé d’abandonner l’accord s’il n’était pas signé avant la fin de l’année, a alors adouci son discours, acceptant ce délai. À Bruxelles, le signal a été interprété comme un désengagement italien du camp français.

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