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Affaire Legrand/Cohen : l’énième révélateur du deux poids, deux mesures médiatique (Édito)

par Nicolas de Pape

Certains scandales médiatiques sont traités comme des événements majeurs, d’autres comme de simples anecdotes. L’affaire Cohen-Legrand, où deux journalistes réputés proches de la gauche sont accusés de s’être concertés dans un café pour fragiliser Rachida Dati, entre clairement dans la seconde catégorie. Et c’est précisément ce contraste qui interroge.

Imaginons la situation inverse : deux figures médiatiques de droite surprises à préparer une offensive contre une personnalité de gauche. L’indignation aurait été immédiate. Les rédactions auraient multiplié les condamnations, les plateaux télé se seraient enflammés et l’on aurait parlé d’un « complot réactionnaire ».

Cette fois, la réaction est tout autre : gêne, minimisation, explications prudentes. Ce qui, ailleurs, serait qualifié de manquement grave à la déontologie devient ici une « maladresse » ou un acte de « vigilance démocratique ». Cette différence de traitement est frappante.

La comparaison avec l’affaire Jean-Jacques Achilli, ex-journaliste de Franceinfo, est éclairante. Ce dernier a été licencié pour avoir seulement envisagé d’écrire un livre avec Jordan Bardella — sans contrat, sans rémunération, sans publication. La sanction fut immédiate : faute grave, carrière interrompue. Dans le cas Cohen-Legrand, il ne s’agit pas d’un projet hypothétique mais bien d’échanges avérés entre deux journalistes. Pourtant, aucune enquête interne, aucune suspension, aucune sanction comparable.

Même Jean-Michel Aphatie, journaliste politique de gauche, l’a souligné sans détour sur X :

« J’ai toujours dénoncé les caméras cachées et les micros espions. Des pratiques de barbouzes, pas du journalisme. Mais @‌Mediapart et @‌EnvoyeSpecial ont depuis longtemps envoyé valdinguer les principes. Les tartuffes qui s’en réclament aujourd’hui me font rire. Violation de la vie privée ? Dans un bistrot ? Où on parle de politique ? On trouvera difficilement le tribunal qui condamnera la captation et la diffusion. Demeure le fond. Soyons net. Dans l’extrait diffusé, même haché, coupé, on comprend que les deux journalistes ne sont pas à la bonne distance par rapport à leurs interlocuteurs politiques. Encore faut-il différencier les deux protagonistes. Thomas Legrand, bavard, semble recomposer toute la planète politique. Après tout, cela ne serait qu’une vantardise s’il ne suggérait dans son propos que l’antenne de France Inter pouvait aider à accomplir ce travail. Il y a, pour le moins, un dérapage. »

Aphatie a raison. Il met ainsi en évidence une contradiction : Mediapart et Envoyé Spécial ont longtemps revendiqué l’usage de méthodes intrusives, borderlines et qui donnent à peine la parole à la personne visée, parfois en lieux privés, mais certains dénoncent aujourd’hui la captation d’images dans un café, un lieu public où les conversations étaient audibles de tous.

Au-delà de ce cas précis, une question plus large se pose : pourquoi le service public audiovisuel, financé par plus de 4 milliards d’euros d’argent public, semble-t-il refléter presque exclusivement une sensibilité politique allant de LFI à EELV, en passant par une partie de la majorité présidentielle ? Cette homogénéité contribue à renforcer le sentiment d’un « deux poids, deux mesures » dans le traitement de l’information et alimente la défiance du public envers les médias.

Trois constats s’imposent : la confiance dans le journalisme s’érode, une réforme de l’audiovisuel public apparaît urgente, et une plus grande diversité éditoriale dans les rédactions publiques est indispensable. Sans cela, chaque nouvelle polémique médiatique, comme l’affaire Cohen-Legrand, risque de renforcer l’impression que la déontologie n’est pas un principe universel mais à géométrie variable.

Nicolas de Pape

(Photo : capture d’écran vidéo « L’Incorrect »)

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