Présenté dans le cadre du “Pacte pour la Méditerranée”, le projet entend renforcer la coopération académique entre l’Union européenne et dix pays du sud. L’initiative inclut une extension du programme Erasmus+, un assouplissement des visas étudiants et la création d’une “Université méditerranéenne”.
Sous le slogan « Une mer, un pacte, un avenir », la Commission européenne a présenté, le 16 octobre, un vaste plan de coopération intitulé Pacte pour la Méditerranée, visant à redéfinir les relations entre l’Union européenne et dix pays du Maghreb et du Proche-Orient : Algérie, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Libye, Maroc, Palestine, Syrie et Tunisie.
Ce projet, qui mobiliserait 6 milliards d’euros de fonds européens pour générer jusqu’à 27 milliards d’investissements, s’inscrit dans la continuité du processus de Barcelone de 1995 et de l’Agenda pour la Méditerranée 2021.
Dans le volet intitulé “Personnes”, la Commission annonce une extension du programme Erasmus+ aux établissements d’enseignement supérieur des pays partenaires. L’objectif affiché : « créer un environnement plus intégré et plus inclusif pour l’enseignement supérieur et le développement des compétences dans l’espace méditerranéen commun ». Une Université méditerranéenne devrait voir le jour, avec des campus répartis sur les deux rives et des diplômes conjoints.
La commissaire européenne Dubravka Šuica, chargée de la Démocratie et de la Démographie, a expliqué vouloir « connecter les jeunes » et « intensifier les partenariats de talents » avec le Maroc, la Tunisie et l’Égypte. Elle a également annoncé un assouplissement des visas, en particulier pour les étudiants, afin de « faciliter la mobilité » entre les deux zones.
Mobilité étudiante et “partenariats de talents”
Selon le document officiel, la mesure vise à encourager les échanges universitaires, la formation conjointe de chercheurs et la mobilité académique dans l’espace euro-méditerranéen. Les programmes Horizon Europe et Marie Skłodowska-Curie seront associés au dispositif.
La Commission met en avant une logique de “coopération équilibrée” : chaque pays tiers pourrait participer selon son degré d’engagement. Mais plusieurs États membres s’interrogent déjà sur la faisabilité d’une telle ouverture, qui concerne aussi des pays en crise : la Libye, la Syrie ou le Liban, dont les systèmes universitaires demeurent instables.
Ce projet s’inscrit dans une stratégie plus large d’« attraction des talents » défendue depuis 2022 par Bruxelles : ouvrir davantage de voies légales d’immigration de travail pour « répondre aux besoins de main-d’œuvre » du continent.
Dans les faits, l’articulation entre mobilité étudiante et migration professionnelle future reste floue : les étudiants étrangers formés en Europe pourront, à terme, bénéficier de dispositifs simplifiés pour y rester et y travailler.
Une dimension symbolique et politique
Officiellement, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, affirme que « l’Europe et la Méditerranée ne peuvent exister l’une sans l’autre ». Le Pacte reprend ce langage d’ouverture et d’interdépendance : il évoque un « espace méditerranéen commun » fondé sur la culture, la recherche et la jeunesse.
Mais l’initiative intervient dans un contexte tendu : l’augmentation des demandes de visas étudiants venant d’Afrique du Nord, les inquiétudes migratoires en Europe du Sud et les difficultés d’intégration déjà observées dans plusieurs pays membres.
En France, la question résonne particulièrement. Début octobre, l’octroi de 8 351 visas étudiants algériens avait ravivé la polémique sur les flux migratoires. L’annonce de Bruxelles a donc suscité de nombreuses réactions : la majorité des gouvernements se montre prudente, tandis que certains syndicats étudiants, comme La Cocarde, dénoncent une « dilution du programme Erasmus ».
Si le projet est présenté comme un instrument de stabilité et de coopération, il redéfinit de fait la vocation d’un programme né pour rapprocher les jeunesses européennes. Erasmus+ avait été conçu en 1987 comme un symbole d’unité du continent ; il pourrait devenir demain un outil de rayonnement extérieur.
Entre la volonté d’ouvrir des ponts et la crainte de créer des passerelles à sens unique, l’Union européenne s’avance sur une ligne étroite – celle où la diplomatie éducative croise, inévitablement, la question migratoire.
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