À la veille de nouvelles négociations à Istanbul, Kyiv frappe loin derrière les lignes ennemies dans une opération inédite.
Volodymyr Zelensky a salué dimanche une « opération à la plus longue portée » jamais menée par l’Ukraine depuis le début de la guerre. Selon le président ukrainien, l’attaque de drones coordonnée qui a visé plusieurs aérodromes militaires russes s’est soldée par des « résultats absolument brillants ». Au total, 117 drones auraient été mobilisés pour cette offensive de grande ampleur, visant des installations jusqu’en Sibérie, à plus de 4 000 kilomètres du front.
Cette attaque spectaculaire intervient à la veille de pourparlers entre délégations ukrainienne et russe, attendues lundi à Istanbul. Alors que Kyiv peine à reprendre l’initiative sur le terrain militaire, cette opération, selon les mots du président, vient rappeler la capacité de nuisance de son pays. Zelensky a également affirmé que les agents ayant participé à la préparation de l’opération en territoire russe avaient été exfiltrés « à temps ».
Selon une source au sein des services de sécurité ukrainiens (SBU), quatre aérodromes russes ont été visés. Quarante-et-un avions, dont des bombardiers stratégiques Tu-95 et Tu-22 ainsi que des appareils radar A-50, auraient été endommagés. Une vidéo diffusée par Kyiv montre plusieurs appareils en flammes sur la base de Belaïa, située à 4 300 kilomètres de l’Ukraine.
Le ministère russe de la Défense a confirmé que plusieurs appareils avaient « pris feu » à la suite d’attaques de drones dans les régions de Mourmansk et d’Irkoutsk, sans faire de victimes. Des suspects auraient été arrêtés. Moscou affirme que les drones ont été lancés depuis des sites situés à proximité immédiate des bases visées.
Une opération secrète d’un an et demi
Baptisée « Toile d’araignée », l’opération aurait été préparée pendant plus d’un an et demi, directement supervisée par Zelensky, selon la même source ukrainienne. Les drones auraient été introduits clandestinement en Russie, dissimulés dans des structures en bois intégrées au plafond de conteneurs. Une fois sur place, les engins auraient été libérés à distance.
Des images, relayées par des médias russes mais non authentifiées, montrent des drones s’élevant depuis des camions. Plusieurs bases supplémentaires auraient été visées – dans les régions d’Ivanovo, de Riazan et de l’Amour, près de la frontière chinoise – mais les attaques y auraient été repoussées, selon Moscou.
Du côté russe, les réactions sont contrastées. Tandis que les autorités minimisent l’impact des frappes, certains blogueurs militaires dénoncent un « jour noir pour l’aviation » russe et fustigent les failles dans la sécurité des aérodromes.
Un contexte diplomatique incertain
Ce coup d’éclat militaire intervient à un moment délicat pour la diplomatie. Après avoir accusé Moscou de saboter les négociations, Zelensky a confirmé la participation de son pays à la rencontre prévue à Istanbul, où le ministre de la Défense ukrainien, Roustem Oumerov, mènera la délégation.
Le président ukrainien appelle à un « cessez-le-feu complet et inconditionnel » ainsi qu’au retour des prisonniers ukrainiens. Il souhaite également une réunion « au plus haut niveau » avec Vladimir Poutine – un objectif encore lointain, tant les divergences restent profondes.
Sabotages en Russie et drones en Ukraine
En parallèle, deux ponts ferroviaires se sont effondrés dans les régions russes de Koursk et de Briansk, provoquant des accidents de train mortels. Les autorités russes ont ouvert des enquêtes pour « actes de terrorisme », sans établir de lien direct avec l’Ukraine. Kyiv, de son côté, n’a pas réagi à ces incidents.
Enfin, l’Ukraine affirme avoir été la cible d’une attaque record de 472 drones russes dans la nuit de samedi à dimanche, dont 385 auraient été neutralisés. Une intensité qui souligne la spirale d’escalade dans laquelle s’enfoncent les deux camps, malgré les efforts affichés de médiation.
Maxence Dozin
(Photo Kay Nietfeld/dpa : le préside ukrainien Zelensky à Berlin, 28 mai 2025)