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Une désindustrialisation massive en France et en Belgique face à une concurrence intra-européenne inéquitable (Carte blanche)

par Contribution Externe

L’Union européenne doit déjà durement subir les concurrences américaine et chinoise, mais elle connaît en plus une concurrence en son sein. La France et la Belgique traversent une phase de désindustrialisation inquiétante. Une carte blanche de Geoffrey Reniers, chef d’entreprise.

L’industrie française et belge est aujourd’hui gravement menacée. Tandis que ces deux pays subissent des fermetures d’usines en série, d’autres États européens ont su tirer parti d’exemptions négociées lors de l’embargo sur les produits pétroliers et gaziers russes. Cette inégalité au sein même de l’Union européenne a accentué le déplacement des investissements vers l’Est du continent, où les coûts de production sont plus compétitifs.

Déjà pénalisées par un coût du travail élevé et une fiscalité excessive, la France et la Belgique se retrouvent dans une position encore plus défavorable face à des pays qui bénéficient non seulement de conditions économiques plus avantageuses, mais également d’un accès facilité à l’énergie russe. Résultat : des fermetures industrielles massives et une perte irréversible de savoir-faire et d’emplois.

Le plus inquiétant est que ces investissements, une fois délocalisés, ne reviendront probablement jamais. L’industrie, une fois partie, ne se réinstalle pas aisément, d’autant plus lorsque la culture économique locale n’est pas perçue comme compétitive. Ce phénomène constitue une véritable catastrophe pour l’emploi et l’avenir économique de la France et de la Belgique.

Des pays bénéficient d’exemptions énergétiques

Face aux sanctions européennes visant à réduire les importations de pétrole et de gaz russe, certains États membres ont obtenu des dérogations leur permettant de continuer à s’approvisionner, en raison de leur dépendance énergétique :

Pétrole
L’embargo de 2022 sur le pétrole russe s’applique principalement aux importations maritimes. Cependant, certaines nations ont été exemptées et peuvent continuer à recevoir du pétrole par oléoduc :

  • Hongrie : Toujours alimentée par l’oléoduc Droujba.
  • Slovaquie : Dépendante de la même infrastructure.
  • République tchèque : Bénéficiant également d’unapprovisionnement par oléoduc.
  • Bulgarie : Autorisée temporairement à importer dupétrole russe par voie maritime jusqu’à fin 2024.

Gaz
L’Union européenne n’a pas imposé d’interdiction totale sur le gaz russe, ce qui permet à plusieurs pays de maintenir leurs importations :

  • La Hongrie continue de recevoir du gaz russe et a même obtenu une exemption spécifique des sanctions américaines pour sécuriser ses paiements via Gazprombank.
  • La Slovaquie et d’autres États d’Europe centrale restent fortement dépendants du gaz russe.

Ces exemptions permettent à ces pays de bénéficier d’une énergie à moindre coût, rendant leurs industries plus compétitives par rapport à celles de la France et de la Belgique.

Fermetures d’usines en France et en Belgique (2023-2025)

Dans ce contexte, la France et la Belgique ont enregistré une vague de fermetures d’usines majeures, mettant en péril des milliers d’emplois :

En Belgique :

  • Audi Brussels (2024-2025) : Arrêt de la production du modèle Q8 et fermeture prévue de l’usine, affectant 3 000 emplois.
  • Van Hool (2024) : Restructuration entraînant plusieurscentaines de suppressions de postes.
  • Barry Callebaut (2024) : Fermeture d’une ligne deproduction, impactant plusieurs dizaines d’emplois.
  • Caddie, Just Eat, Burton (2023) : Fermetures successives dans divers secteurs.

En France :

  • Michelin (2024-2026) : Fermeture des usines de Choletet de Vannes, impactant 1 254 salariés.
  • Europhane et Holophane (2024) : Fermetures d’usinesaux Andelys, entraînant des pertes économiques locales.
  • Solvay (2024-2025) : Fermeture du site de Salindres,affectant 68 emplois.
  • Caddie, Just Eat, Burton (2023) : Fermetures notablesdans divers secteurs.

Les investissements automobiles dans les pays bénéficiaires d’exemptions

Pendant que la France et la Belgique voient leurs usines fermer, d’importants investissements industriels ont été réalisés dans les pays ayant négocié des exemptions énergétiques. Le secteur automobile en particulier a connu un essor considérable :

En Hongrie :

  • BMW (2025) : Construction d’une nouvelle usine àDebrecen pour la production de véhicules électriques.
  • Mercedes-Benz (2023-2024) : Expansion de l’usine de Kecskemét pour inclure des véhicules électriques.

En Slovaquie :

  • Volvo (2023-2026) : Nouvelle usine près de Košice,spécialisée dans les véhicules électriques.
  • Jaguar Land Rover (2023-2024) : Expansion de l’usinede Nitra.

En République tchèque :

  • Škoda Auto (2023-2025) : Modernisation de l’usine de Mladá Boleslav pour produire des modèles électriques et hybrides.
  • Hyundai (2024) : Investissements supplémentaires dans l’usine de Nošovice.

En Bulgarie :

  • Great Wall Motors (2024) : Expansion de l’usine près de Lovech pour augmenter la production automobile destinée au marché européen.

Une concurrence déloyale qui fragilise l’Europe de l’Ouest

Ces chiffres parlent d’eux-mêmes : tandis que la France et la Belgique subissent des restructurations et des fermetures, des investissements massifs sont réalisés en Hongrie, en Slovaquie et en République tchèque. Ces pays, en bénéficiant de coûts énergétiques plus bas et de politiques fiscales attractives, ont su attirer les grandes entreprises industrielles.

Cette situation pose une question fondamentale sur l’équité au sein de l’Union européenne. Alors que certains pays ont pu négocier des conditions avantageuses, d’autres subissent un exode industriel qui semble irréversible. À long terme, cette fracture risque d’accroître les déséquilibres économiques et sociaux au sein de l’Europe, mettant en péril la cohésion même de l’Union.

L’avenir de l’industrie française et belge dépendra des mesures qui seront prises pour rétablir une concurrence équitable et éviter que ces nations ne deviennent les grandes perdantes de la transition industrielle européenne.

Geoffrey Reniers est chef d’entreprise

(Photo Belgaimage : usine du constructeur Kia en Slovaquie)

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