« Depuis des mois, la bourgmestre Catherine Moureaux lutte contre une dépression et n’apparaît à la maison communale qu’un jour par mois. Son salaire n’est donc pas menacé, mais pour le reste, le navire molenbeekois dérive sans capitaine, en eaux très agitées. »
Une chronique de Luckas Vander Taelen.
Aucune commune bruxelloise n’est dans une situation plus mauvaise que Molenbeek. La bourgmestre Catherine Moureaux a eu beaucoup de mal à mettre sur pied une coalition « progressiste » réunissant son parti, le PS, avec Vooruit, le PTB/PVDA et Molenbeek Autrement. Les problèmes ont commencé d’emblée avec un candidat échevin qui traînait un passé judiciaire un peu trop lourd. Le septième échevin, Mohammed Kalandar, a également fait polémique pour avoir défendu une milice terroriste iranienne, mais cela n’a finalement pas posé problème.
L’homme fort de Molenbeek Autrement, Ahmed El Khannouss, a été promu président du CPAS. Le fait qu’il ait défendu un imam très radical, qu’il ait appelé à brûler les sionistes, n’a pas été considéré comme un obstacle insurmontable. Pas plus que son engagement en faveur d’Oussama Attar, prétendument malade dans une prison irakienne il y a dix ans. Avec la figure de proue d’Écolo, Zoé Genot, il avait milité pour sa libération. Attar a effectivement été libéré, a immédiatement disparu et est devenu le cerveau des attentats islamistes de Bruxelles en 2016. Jamais ni lui ni Genot ne se sont excusés pour cette erreur fatale…
Pour le RWDM, il y a du monde…
Depuis des mois, la bourgmestre Catherine Moureaux lutte contre une dépression et n’apparaît à la maison communale qu’un jour par mois. Son salaire n’est donc pas menacé, mais pour le reste, le navire molenbeekois dérive sans capitaine, en eaux très agitées. Les fusillades sont régulières, encore la semaine dernière devant le commissariat, mais la classe politique se dit impuissante à agir. Elle ne va pas plus loin que demander un soutien fédéral.
La seule fois où les notables locaux sont sortis de leur réserve, ce fut lorsqu’il fut question d’un changement de nom du club de football local, le RWDM. Le propriétaire américain voulait le rebaptiser Racing Brussels. Cela a provoqué une véritable révolte populaire à Molenbeek, car le nom de la commune disparaissait, avec manifestations et menaces à la clé. Jamais on n’a vu un tel engagement pour s’attaquer à des problèmes beaucoup plus graves, comme la radicalisation, l’insécurité ou le trafic de drogue.
Ahmed Laaouej, le parrain du PS bruxellois, sait évidemment que son parti ne peut se permettre que Molenbeek sombre davantage dans le chaos administratif. Il n’a jamais eu beaucoup d’estime pour Catherine Moureaux et aurait préféré voir Jamal Ikazban, ancien chef de cabinet et échevin de son père Philippe, devenir bourgmestre. Ikazban, lors de la législature précédente, avait eu de gros conflits avec la fille Moureaux et s’était replié sur le Parlement bruxellois.
Et les amendes de parking ?
Mais Ikazban traîne aussi une réputation controversée. Il nie être membre des Frères musulmans, qui militent discrètement pour une pratique religieuse radicale. Pourtant, circulent des photos où il fait le signe de cette communauté avec les doigts ; il affirme qu’il n’en connaissait pas la signification. Cela ne l’a pas empêché de signer une pétition demandant de retirer le Hamas de la liste des organisations terroristes et d’exprimer ouvertement sa sympathie pour le Hezbollah. Lors d’un débat sur RTL, il a insulté un expert en terrorisme en le traitant de « salopard sioniste » et, lui aussi, s’était engagé pour la libération d’Oussama Attar. Il a également participé à une manifestation contre l’interdiction du voile intégral. Pour ses opposants, le voile reste un symbole religieux. Après que la Fédération Wallonie-Bruxelles a décidé d’autoriser le port du voile dans l’enseignement supérieur, Ikazban a conclu une intervention en commission parlementaire par un « Inch’Allah ».
Après son conflit avec la bourgmestre Catherine Moureaux, Ikazban ne siégeait plus au conseil communal. Mais depuis quelque temps, des rumeurs circulent selon lesquelles Laaouej le verrait bien comme bourgmestre si Moureaux devait jeter l’éponge. Être conseiller communal n’est pas une condition préalable. Cela en dit long sur la confiance que la direction du PS place en Ikazban, malgré son profil religieux chargé. À Bruxelles, c’est même devenu plutôt un atout pour attirer l’électorat issu de l’immigration musulmane.
En tant que proche de Laaouej, il est intéressant de suivre les activités parlementaires d’Ikazban. L’une d’elles a particulièrement retenu l’attention : le socialiste estime que les amendes pour infractions de stationnement impayées sont beaucoup trop élevées. Elles peuvent atteindre 600 euros et être recouvrées par un huissier. Il souhaite faire voter une résolution au Parlement bruxellois interdisant à l’agence régionale du stationnement d’utiliser cette ultime étape du recours à l’huissier.
La motivation d’Ikazban ne manque pas de populisme : Parking Brussels ne fait appel à un huissier qu’après trois rappels. « Les gens oublient parfois de payer », justifie Ikazban. C’est ni plus ni moins une défense du manque total de civisme : on ne paie pas son stationnement, on ignore trois rappels, puis on s’indigne de recevoir une amende. Parking Brussels se plaint que beaucoup de personnes négligent leurs courriers presque par principe.
Le fait qu’Ahmed Laaouej semble approuver la démarche d’Ikazban en dit long sur ce qu’on peut attendre d’un futur gouvernement incluant les socialistes : la poursuite d’une politique populiste sans aucune discipline financière, avec pour seul objectif de remporter les élections de 2029…
Luckas Vander Taelen, chroniqueur 21News
(Photo Belga Hatim Kaghat : Dirk De Block (PTB), Catherine Moureaux (PS) et Ahmed El Khannouss (Molenbeek Autrement) posent lors de l’installation du conseil communal de Molenbeek, 6 décembre 2024)