Assises Bruxelles : le travail des journalistes est au centre de l’enquête judiciaire sur Sammy Djedou. La cour d’assises de Bruxelles a plongé vendredi dans l’un des chapitres les plus obscurs du califat de Daech : l’esclavage sexuel des femmes yézidies. Mais un élément majeur s’est imposé à l’audience : sans le travail de la presse, ce procès n’aurait sans doute jamais existé.
La projection du documentaire Hawar, nos enfants bannis, tourné en 2022 dans le Kurdistan irakien, n’a pas seulement donné un visage aux survivantes. Elle a rappelé un fait glaçant : si la justice belge juge aujourd’hui le djihadiste Sammy Djedou, alias Abou Moussab al-Belgiki, c’est parce que des journalistes ont, les premiers, mis la lumière sur ses crimes.
Quand un article déclenche une enquête pour génocide
Tout commence le 18 septembre 2021 dans De Morgen. Une phrase suffit à déclencher un choc judiciaire : une jeune survivante yézidie affirme avoir été détenue “trois mois par un djihadiste belge”. Elle a 17 ans. Elle vient de passer cinq ans en captivité.
Le parquet fédéral ne tarde pas : le 12 octobre 2021, une enquête judiciaire est ouverte. Elle vise un homme déjà condamné en Belgique pour participation à l’État islamique : Sammy Djedou.
Sept jours plus tard, Le Soir confirme : trois djihadistes belges ont possédé des esclaves yézidies, dont Djedou. L’article est immédiatement versé au dossier. Le journaliste et le photographe sont longuement entendus par le parquet : leurs enquêtes deviennent des preuves.
LN24 de la grande époque est elle aussi citée : un de ses reportages de terrain fait partie des pièces initiales. La procureure fédérale le reconnaît ouvertement : « Une enquête sur des crimes internationaux ne démarre pas dans un bureau. Elle démarre avec les journalistes et les ONG. »
Trois victimes identifiées, deux déjà entendues
Cinq survivantes yézidies ont d’abord été associées à Sammy Djedou. Après vérifications avec des ONG kurdes, trois victimes ont été formellement confirmées par le parquet.
Deux ont témoigné à Bruxelles jeudi. Elles ont raconté, en détail, les violences, les viols répétés, la détention, l’esclavage sexuel, imposés par celui qu’elles connaissaient sous le nom d’Abou Moussab.
– L’une a été captive trois mois.
– L’autre deux ans.
La troisième survivante sera entendue la semaine prochaine.
Un accusé mort, mais jugé pour génocide
Né en 1989, Sammy Djedou est officiellement mort en Syrie le 4 décembre 2016. Mais la Belgique le juge quand même, par défaut, pour :
- génocide contre la communauté yézidie,
- crimes contre l’humanité,
- viol et esclavage sexuel de mineures entre 2014 et 2016.
Son rôle dans l’EI était structurant : non pas simple soldat, mais cadre, commandant, recruteur.
La rédaction
(BELGA PHOTO NICOLAS MAETERLINCK)