Après Charleroi la sulfureuse, la capitale belge s’enfonce dans une spirale de violences armées. Les autorités jurent leur fermeté, mais les tirs résonnent semaine après semaine. Et le citoyen s’habitue.
Il fut un temps où l’on raillait Charleroi, rebaptisée « Palerme sur Sambre ». Les Carolos en prenaient ombrage, même si les statistiques ne plaidaient guère en leur faveur. Aujourd’hui, c’est Bruxelles qui mérite son surnom. Un autre : Chicago-sur-Senne.
Car la capitale fédérale est désormais le théâtre de fusillades quasi hebdomadaires, souvent liées au narcotrafic. Le 7 août encore, des tirs ont éclaté avenue Chazal à Schaerbeek. Un blessé, une enquête, un oubli dans quelques jours. Les statistiques des « incidents avec tir » ne cessent d’augmenter : en 2022, 56, en 2023, 62, en 2024 : près de 90. En 2025, on en compte déjà 40. Un nombre substantiel évolue en fusillade proprement dite.
Face à cette banalisation de la violence, la résilience des Bruxellois et des navetteurs belges devient résignation. Les Bruxellois honnêtes – encore majoritaires – détournent le regard. Les médias parlent, mais l’habitude s’installe. L’humain s’adapte, dit-on. C’est précisément là que commence la défaite.
À Bruxelles, le chaos sécuritaire est nourri par (au moins) trois facteurs : l’impuissance politique des gouvernements bruxellois successifs littéralement obsédés par les questions environnementales ou de mobilité, une idéologie permissive qui nie toute fermeté nécessaire dans une immigration bruxelloise qui est un échec total en terme d’intégration, et l’atomisation institutionnelle, la fameuse « lasagne » dont on a un peu trop tendance à sourire.
Le ministre de l’Intérieur Quintin et le procureur du Roi promettent la fermeté. Fort bien. Mais le gouvernement bruxellois est en affaires courantes depuis plus d’un an et la fusion des six zones de police, censée apporter plus d’efficacité, n’aboutira pas avant 2027. Elle est d’emblée sous-financée, ont fait observer Les Engagés. D’ici là, les trafiquants ont tout loisir de s’adapter.
Une guérilla dans une ville non gérée
Ils connaissent le terrain. Bruxelles, avec ses tunnels, ses impasses et ses zones de non-droit, est devenue un labyrinthe où les criminels évoluent en terrain conquis souvent sur de petites motos rapides et efficaces. À certains égards, les narcotrafiquants belges adoptent des tactiques de guérilla urbaine, dignes de groupes armés organisés. Des tunnels abandonnés du métro aux dédales des quartiers sensibles, tout est utilisé. On se croirait parfois presque à Gaza.
Et que dire du manque de moyens (ou de sévérité) des juges, de manque de places en prison, de coordination ? Anvers n’est pas épargnée non plus, et Bart De Wever avait jadis dû supplier le Fédéral. Mais l’inaction bruxelloise est criante. La capitale belge glisse doucement dans l’indifférence générale. Jusqu’au jour où la violence franchira un seuil fatidique. Et là, il sera presque impossible de revenir en arrière. En vacances dans différentes villes européennes, les Bruxellois peuvent facilement comparer avec ce qui se passe ailleurs et voir combien leur ville est en train de sombrer.
Nicolas de Pape
(Photo : Belgaimage)