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Plus de 500 jours sans gouvernement à Bruxelles ? Les Bruxellois perdants (Édito)

par Nicolas de Pape

La Région de Bruxelles-Capitale illustre aujourd’hui, de façon frappante, le spectre d’une démocratie paralysée : 16 mois et 19 jours après les élections, aucun gouvernement de plein exercice n’a encore été formé. On ne signale même plus que le gouvernement précédent est en « affaires courantes ». Pendant ce temps, la Flandre et la Wallonie réforment, investissent, allègent la fiscalité. À Bruxelles ? Rien. Pas une réforme, pas une décision d’envergure.

Cette absence de cap politique étouffe tout. En dix ans, la capitale a déjà perdu un nombre important d’entreprises (entre 2014 et 2021, la capitale en a perdu, net, 810, dont 166 technologiques, pour l’équivalent de 29.218 jobs et un turnover d’environ 12 milliards selon une étude du Pr Vincent Vandenberghe de l’UCL). En 2021, environ 45.000 résidents de Bruxelles ont quitté la Région ; en 2023, les chiffres indiquent qu’environ 34.723 résidents ont émigré. Même si une immigration internationale est enregistrée pendant les mêmes périodes et plus de naissances que de décès, c’est un signe qui ne trompe pas car ceux qui partent et ceux qui arrivent ne sont pas interchangeables1.

Tout cela appauvrit la Région fiscalement de manière massive. Et il ne s’agit pas seulement d’industries : les entreprises de services, de technologie et de conseil désertent également Bruxelles, jugée instable, imprévisible et hostile à l’investissement. L’affaire Audi Brussels n’en est que la partie émergée : le symptôme d’un territoire en perte de vitesse.

Une dégradation immobilière progressive

Mais c’est aussi le marché immobilier qui vacille. Les droits d’enregistrement, restés à 12,5 % contre 3 % en Wallonie et 2 % en Flandre, pour l’habitation familiale, sont devenus le symbole de l’impuissance publique. Le marché patine, certaines transactions sont reportées ou annulées le temps de voir ce qui va arriver, et la Région perd chaque mois des recettes fiscales cruciales. Derrière ces chiffres, c’est un enjeu bien plus large : la valeur de la pierre bruxelloise, cœur de l’épargne et de la retraite des Belges. Quand la pierre vacille, tout le patrimoine national s’érode. Bruxelles ne manque pas de propriétaires-occupants ; elle souffre surtout de l’effondrement de l’investissement privé notamment au profit du Brabant flamand et du Brabant wallon.

C’est l’acheteur-investisseur – celui qui achète, rénove, loue, fait circuler la valeur – qui garantit la liquidité du marché et, à travers elle, la stabilité du patrimoine et des retraites belges. En le décourageant, en augmentant la durée des permis de bâtir, on assèche la confiance, la valeur et l’avenir.

Résultat : Bruxelles se vide lentement de ses investisseurs, de ses entreprises, et bientôt de ses électeurs. Plus d’un an de blocage, c’est une éternité pour un marché. Et un boulevard pour ceux qui savent encore parler d’économie réelle. Souvent des Flamands…

Nicolas de Pape

(Photo : Belgaimage)

  1. Selon Statbel, le solde migratoire international était certes positif en 2024 (+19.398). Cette année-là, 54.267 immigrations et 34.869 émigrations ont été enregistrées dans la Région bruxelloise. En revanche, le solde migratoire interne était négatif (-17.993) : moins de personnes ont déménagé d’une autre région vers Bruxelles (25.109) que de personnes ayant quitté Bruxelles pour s’installer dans une autre région du pays (43.102). ↩︎

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