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Accords du 21 juillet : des réformes inédites, une rupture politique assumée (éditorial)

par Demetrio Scagliola

Voyage au bout de la nuit du 21 juillet. Sur fond de Fête nationale, la majorité Arizona valide un accord d’été qui impose désormais un rythme de réformes inédit au pays. Ces accords d’été s’inscrivent dans la continuité des engagements pris par la majorité. On pourra reprocher beaucoup de choses à Bart De Wever, mais pas la cohérence avec son programme. Et comme s’il fallait renforcer leur symboliqueces accords porteront à jamais le sceau du « 21 juillet ». Certains y verront un pacte qui veut favoriser la viabilité de l’État Belgique à travers des réformestandis que les opposants, surtout francophones, y voient une voie toute tracée vers le confédéralisme voulu par le parti du Premier ministre Bart De Wever (N-VA).

En validant la limitation dans le temps du chômage, la flexibilisation du marché du travail, la réforme fiscale et la réforme des pensions, la majorité Arizona enclenche un tournant décisif. Toutes ces mesures rappellent une constante du discours de la majorité: la Belgique doit retrouver de la marge de manœuvre budgétaire, restaurer la confiance des investisseurs et garantir la viabilité des mécanismes de solidarité. Ce n’est pas un défi facile et d’ailleurs, dans son tout premier discours comme chef de gouvernement, Bart De Wever avait promis du sang et des larmes, en précisant qu’il n’existait pas d’alternatives pour le pays. Nous y sommes.

Tout d’abord, le bonus-malus pension renforce le lien entre carrière effective et montant de la pension, tout en annonçant la fin progressive de régimes spéciaux et en harmonisant les droits entre fonctionnaires, salariés et indépendants. La réforme du marché du travail, en abolissant l’interdiction du travail de nuit et la durée minimale hebdomadaire, crée les conditions pour un taux d’emploi plus élevé et une attractivité renforcée du marché belge face à la concurrence européenne.

La hausse progressive du seuil d’exonération fiscale et la réforme des avantages pour enfants à charge témoignent d’une volonté de préserver le pouvoir d’achat dans une logique de maîtrise budgétaire. Enfin, la validation de la contribution fédérale au Plan National Énergie Climat confirme que la transition écologique s’intègre pleinement à la relance.

Un équilibre difficile, des résistances structurelles

Si le gouvernement est parvenu à dégager un compromis, c’est au finish, sous tension entre partis de majorité et, indirectement, sous la pression de partenaires sociaux qui redoutent un « recul social ». Les critiques s’accumulent : réforme des pensions jugée inéquitable envers les femmes et les précaires, flexibilisation dénoncée comme un affaiblissement de la protection collective, limitation du chômage perçue comme punitive. La contestation promet une rentrée sociale tendue, alimentée par la crainte d’un effritement du modèle social belge, notamment en Wallonie et à Bruxelles où la gauche et les syndicats disposent d’un réel pouvoir d’influence et de relais puissants. 

Cette stratégie politique tranche pourtant avec des années d’immobilisme et de conservatismepolitiques. La majorité assume clairement sa volonté de rupture : sans réforme, le système de sécurité sociale court à sa perte. Les mesures adoptées ne sont pas des aboutissements, mais des étapes nécessaires pour éviter le surendettement et engager la modernisation de l’économie, comme l’ont souligné les organisations patronales et la Fédération des entreprises de Belgique.

Clarifier la trajectoire, convaincre le pays

La réalité est que l’équilibre trouvé demeure fragile et que le dialogue avec la société doit s’intensifier. Le gouvernement a franchi un seuil, mais l’adhésion de la population reste à conquérir, surtout dans les régions les plus rétives aux politiques d’austérité, notamment en Wallonie et à Bruxelles où, c’est un fait, les gens seront davantage impactés par certaines mesures, comme la limitation des allocations de chômage dans le temps. Autre obstacle important sur la route de l’Arizona : la solidité du pacte de majorité et le risque que certains partis – on pense surtout aux Engagés et à Vooruit – secoués par la contestation de la base et de la société se sentent mal à l’aise avec l’application des mesures et fragilisent la coalition. Le risque existe. 

Le cap est fixé, la machine de la réforme enclenchée, mais la réussite de l’opération dépendra de la capacité du gouvernement à intégrer des corrections nécessaires et à convaincre au-delà de son assise électorale traditionnelle. La Belgique se cherche un nouvel équilibre. Cet accord en pose les jalons, non sans clivages mais avec une certaine forme de lucidité et de détermination qui rappelle celle du Premier ministre.

Demetrio Scagliola

(BELGA PHOTO JONAS ROOSENS)

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