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Premières paroles de Boualem Sansal depuis Berlin : « Bonjour la France, je reviens. On va gagner ! »

par Harrison du Bus
Photo by Louiza Ammi/ABACAPRESS.COM

Depuis Berlin où il a été transféré à l’hôpital, l’écrivain livre ses premières paroles, fortes et vibrantes, après tout juste une année embastillé en Algérie. Entre fatigue et éclat, il revient sur ses conditions de détention, les négociations diplomatiques et l’espoir d’un apaisement entre Paris et Alger.

À peine libéré, Boualem Sansal a retrouvé cette vivacité de ton qui faisait sa signature. Au Point, qui publie son entretien avec Kamel Daoud, il apparaît joyeux, presque alacre, malgré l’épreuve dont il sort. « Je vais plutôt bien, je suis costaud. Je ne vais pas être détruit par une petite année de prison », dit-il au téléphone, depuis son lit d’hôpital à Berlin, où il a été transféré après sa grâce présidentielle. L’écrivain franco-algérien de 81 ans, condamné en mars puis en appel à cinq ans de prison pour une prétendue « atteinte à l’unité nationale », avait été incarcéré consécutivement à une interview sur la question sensible des frontières coloniales, qu’aucun consensus stable entre France, Maroc et Algérie a rendue épidermique. La grâce accordée par Abdelmadjid Tebboune arrive après une intervention directe du président allemand Frank-Walter Steinmeier – apparemment plus convaincant que les président et ministre des Affaires étrangères français – invoquant à la fois l’âge et l’état de santé fragilisé du romancier.

De mécompte en mécompte

De son année d’enfermement, Sansal dresse un tableau d’une austérité extrême. Il n’avait ni téléphone ni papiers, et la lecture y était presque impossible. « Lire ? C’est interdit », confie-t-il. Dans ces prisons où ne circulent que quelques ouvrages religieux, le reste se trafique : un livre contre des cigarettes ou des gâteaux. L’écriture, elle, était inimaginable. L’isolement était total, hormis les visites de son épouse, Naziha, seule respiration dans un « quartier de très haute sécurité » où il n’avait pas le droit d’approcher les autres détenus. Mais il percevait, par bribes, « des vagues rumeurs », un signe ténu que dehors, son nom circulait, que des soutiens s’activaient.

Le récit de son cauchemar est encore sibyllin ; il dit avoir été cahoté d’une prison à une autre, puis vers un hôpital, dans un climat d’hésitation palpable. Il évoque ce « visiteur du soir », venu lui parler de « lignes rouges » qu’il devrait respecter. Il répond alors sans ambiguïté « qu’il vaut mieux le garder encore vingt ans dans ce cas ; s’il n’a pas le droit de parler, qu’est-ce qu’il fait sur terre ? ». Une phrase ferme qui réaffirme pour lui la fonction première de l’écrivain, de témoigner, dire et alerter. Sa conception des relations entre les peuples reste intacte, il continue d’attester que la France est l’amie de l’Algérie et c’est cette dernière qui en a fait un ennemi, que l’Allemagne aussi est une amie de l’Algérie.

Enfin libre

Au Figaro, qui retranscrit le cœur de cet échange, une phrase domine et résume tout : « Bonjour la France, Boualem revient. On va gagner ! » C’est celle qu’il confie expressément à Kamel Daoud d’écrire. Elle sonne comme un cri de gratitude, de défi, et peut-être de reconquête. Une année de prison n’a rien oblitéré de sa clarté, ni de sa conviction que la mobilisation, qu’elle soit intellectuelle ou diplomatique, peut infléchir le cours des choses.

Très rapidement Boualem Sansal devrait rejoindre Paris. Sa famille, longtemps inquiète en raison de son cancer de la prostate, dit son immense soulagement. L’écrivain, lui, laisse entendre qu’il racontera tout, mais plus tard. Le temps n’est pas encore venu du récit complet. Pour l’instant, il y a simplement l’oxygène réinspiré d’un homme sorti de ses tribulations qui, malgré les entraves, ne s’est jamais laissé silencier.

Harrison du Bus

(Photo by Louiza Ammi/ABACAPRESS.COM)

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