À l’heure où le monde se recompose autour de rapports de force brutaux, l’Union européenne persiste dans un modèle épuisé, incarné par Ursula von der Leyen et son équipe. La renaissance européenne passe par des dirigeants capables d’agir dans un monde d’empires. Je pense à Mario Draghi ou Bart De Wever.
Le logiciel sur lequel l’Union européenne s’est construite depuis les années 1950 est désormais caduc. La foi dans le droit et le commerce comme garanties automatiques de la paix, la conviction que la taille du marché suffisait à produire de la puissance, la dissociation confortable entre un soft power bruxellois et un hard power abandonné aux États : tout cela appartenait à un monde révolu.
Face aux prédateurs géopolitiques, aux puissances illibérales et au retour des hommes forts, ce modèle révèle aujourd’hui sa fragilité. L’Europe normative, procédurale et moralisatrice s’est crue protégée par ses règles. L’Union découvre que celles-ci ne suffisent ni à garantir sa sécurité, ni à préserver sa prospérité.
Ursula von der Leyen, symbole d’un échec stratégique
Ursula von der Leyen – et la haute-administration qui la nourrit – incarne cette Europe hors-sol, indifférente au réel. Sous sa présidence, la Commission a accumulé les normes, étendu son pouvoir bureaucratique et contourné le politique par le réglementaire, tout en affaiblissant les États.
Sur le dossier Euroclear, la présidente de la Commission a donné le sentiment d’une fuite en avant idéologique. La volonté d’utiliser les avoirs russes comme instrument politique, sans cadre clair ni vision de long terme, a suscité de profondes inquiétudes : fragilisation de la place financière européenne, risques juridiques majeurs, perte de crédibilité internationale. Ursula von der Leyen a perdu là une partie du soutien des États et des acteurs économiques qui redoutent une Europe imprévisible.
Le même aveuglement a prévalu sur le moteur thermique. En imposant une interdiction brutale et dogmatique à l’horizon 2035, la Commission a ignoré les réalités industrielles, sociales et technologiques du continent. Le rétropédalage partiel opéré sous la pression des États et des filières productives a acté un désaveu politique. Ce revirement tardif souligne surtout l’incapacité d’Ursula von der Leyen et de son équipe à orienter l’Europe dans un sens cohérent et durable.
Plus largement, sa présidence a symbolisé une Europe dépendante stratégiquement, naïve commercialement, fragmentée politiquement. Une Europe qui parle beaucoup, mais agit peu ; qui prétend guider le monde, mais peine déjà à se gouverner elle-même.
Un tournant imposé par le réel
Pourtant, les lignes commencent à bouger. Confrontée à la guerre en Ukraine, au désengagement américain, à la concurrence chinoise et au choc industriel, l’Union reconnaît progressivement ses erreurs. Elle revient sur certaines législations, réoriente ses priorités vers la compétitivité, la souveraineté et la sécurité.
Nucléaire réhabilité, assouplissement des normes ESG, recul de l’interdiction totale du moteur thermique, protection accrue face aux exportations subventionnées, durcissement des politiques migratoires, réarmement accéléré : ces inflexions marquent la fin d’un cycle idéologique. Mais elles ne sont pas le fruit d’un leadership clair. Elles ont été arrachées par les États, par les crises, par la contrainte.
Un chef d’orchestre est nécessaire
Dans ce contexte, l’Union a besoin d’un chef d’orchestre. Deux profils pourraient faire l’affaire : Mario Draghi et Bart De Wever.
Mario Draghi, tout d’abord. L’ancien président de la Banque centrale européenne et ex-chef du gouvernement italien a prouvé qu’il savait agir lorsque l’histoire s’accélère. Il a sauvé l’euro quand il était au bord de l’implosion. Il a redressé l’Italie en rétablissant la crédibilité de l’État et la confiance des investisseurs.
Bart De Wever, ensuite. Sa clairvoyance quant au danger systémique de saisir les avoirs russes immobilisés, a convaincu tout le monde qu’il était un homme d’Etat. Il a agi non seulement pour sauver la Belgique de la faillite mais aussi l’Europe de sa crédibilité en matière de dépôt de fonds souverains sur le continent européen.
Tous les deux pensent l’Europe comme une puissance. Ils savent que la souveraineté ne se décrète pas par des règlements, mais se construit par l’industrie, l’énergie, la défense, la finance et la décision politique. Là où Ursula von der Leyen moralise, il faut quelqu’un qui rassemble autour de l’efficacité. Et si possible plus un(e) Allemand(e) qui laisserait penser que l’Union européenne est de fait dirigée par l’Allemagne.
Une Europe à incarner
L’Europe ne manque ni d’atouts ni de ressources : talents, épargne, entreprises, marché intérieur, monnaie stable. Elle pourrait redevenir un pôle d’attractivité mondial et un refuge de la liberté politique. Mais il lui manque l’essentiel : la vision, la vitesse de décision et l’incarnation.
La renaissance européenne ne passera ni par une réforme institutionnelle de plus, ni par un nouvel empilement réglementaire. Elle passera par un changement de leadership et d’état d’esprit.
Ursula von der Leyen incarne les erreurs du passé, l’impuissance et le déni stratégique. Face aux empires parfois rapaces, l’Europe a besoin d’un chef d’orchestre, pas d’une gardienne du règlement.
Nicolas de Pape
(Credit Image: © Wiktor Dabkowski/ZUMA Press Wire)