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Quand les mollahs changent de couleur (carte blanche)

par Contribution Externe

J’avais sept ans quand j’ai compris que j’étais considérée comme la moitié de mon frère et que mon corps, déjà, devait disparaître sous un foulard pour avoir le droit d’aller à l’école.

Je ne savais pas encore ce que voulaient dire les mots injustice ou oppression, mais je savais ce que je ressentais. Une gêne sourde, une peur que je ne pouvais pas nommer. Mon frère sortait librement, insouciant. Moi, je sortais en comprenant que mon corps devait être corrigé avant même d’avoir vécu.

Je me souviens de mes cheveux, longs, vivants, qui glissaient dans mon dos quand je courais. Je ne les voyais pas comme un danger, mais comme une partie de moi. Pourtant, on m’a appris qu’ils devaient disparaître pour rassurer un monde qui craignait déjà le corps d’une enfant.

À neuf ans, j’ai compris que la loi, au nom de la religion, autorisait qu’une petite fille puisse devenir l’épouse d’un adulte. Cette idée m’a glacée. Elle m’a appris que mon enfance n’était pas un droit, mais une parenthèse fragile que d’autres pouvaient refermer.

J’ai grandi avec cette certitude lourde. Mon corps ne m’appartenait jamais vraiment. Il était surveillé, commenté, corrigé. Et même mes pensées ne m’appartenaient pas. On m’expliquait ce que je devais croire, dire ou taire. Pourtant, quelque chose résistait encore en moi. Une envie de respirer, de vivre sans autorisation.

Quand je suis arrivée en Europe, j’ai compris ce que voulait dire respirer. Marcher sans peur. Penser sans calculer chaque mot. Pour la première fois, mon corps n’était plus un problème. Il était simplement le mien.

Aujourd’hui, à quarante ans, je ressens à nouveau cette inquiétude familière. Une sensation diffuse que je croyais avoir laissée derrière moi, ici, en Belgique.

Ce ne sont plus des lois brutales ni des uniformes, mais des mécanismes plus feutrés. Une pression sociale constante, une surveillance morale exercée au nom du bien et du progrès.

On commence par tracer les limites de ce qu’il est acceptable de dire, puis de ce qu’il devient risqué de penser. Les nuances dérangent, les questions gênent. Il suffit parfois d’un mot ou d’un like pour être mise à l’écart.

Je reconnais cette mécanique. Elle mène à l’autocensure, au silence. Les libertés reculent doucement, sans bruit.

C’est une drôle d’époque. Une époque où certains pays commencent à ressembler à Téhéran. Une époque où ceux qui prétendent combattre le fascisme en adoptent les méthodes.

Ma génération s’est battue pour arracher sa liberté. Nous l’avons payée de nos corps, de nos larmes, de nos années volées. Aujourd’hui encore, je vois des petites filles sacrifiées pour quelques voix.

Nous devons refuser ces dérives. Nous devons refuser de nous taire. Nous devons nous battre contre toute forme d’extrémisme. La liberté d’expression est le pilier de toute démocratie et personne n’a le droit de décider à notre place ce que nous devons penser, dire ou taire.

Oui, j’ose le dire, les mollahs ont simplement changé de couleur.

Melissa Amirkhizy, conseillère communale MR à Ganshoren (photo)

(D.R.)

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