Une carte blanche de Marcela Gori, vice-présidente (MR) du CPAS d’Anderlecht.
Pendant plusieurs jours, Bruxelles s’est enflammée autour d’une crèche de Noël facturée 65.000 euros. Polémique culturelle, symbolique, identitaire… chacun y est allé de son indignation. Mais cette somme, aussi absurde soit-elle, n’est qu’une goutte d’eau dans un océan. Et surtout, il est regrettable qu’on médiatise autant ce cas précis, tout en passant sous silence des dérives financières bien plus graves et structurelles. La vraie question n’est pas celle du prix de la crèche. La vraie question est celle-ci : comment en est-on arrivé à une Région que les banques ne veulent plus financer ?
Vous avez vu ? Belfius a annoncé qu’elle mettrait fin à la relation bancaire avec la Région bruxelloise au 31 décembre 2025. Cette information tient en une ligne. Mais elle est dramatique. Pour faire court : le partenariat est jugé trop risqué, tant en matière de crédit que de réputation pour la banque. Pendant longtemps, l’équation était simple : le privé prêtait au public, parce que ce dernier avait toujours une ressource pour rembourser. Au pire, certains États, régions ou communes craignaient une dégradation de note qui était synonyme de taux d’emprunt plus cher. Mais à Bruxelles, nous n’en sommes plus là. Aujourd’hui, la Région bruxelloise se retrouve donc dans la peau d’une personne qui souhaite acquérir un bien immobilier, mais dont le prêt est refusé, parce qu’elle n’est pas jugée solide.
Un signal d’alarme isolé ? Loin de là. Mi-novembre, le 30e cahier de la Cour des comptes sur la gestion financière de la Région bruxelloise a été publié. Vous ne l’avez pas lu ? Vous avez bien fait, c’est tellement déprimant que ça vous aurait donner mal à la tête. Que dit la Cour des comptes ? Que la Région présente un déséquilibre budgétaire « marqué » (mot diplomatique pour dire « catastrophique »), un déficit record, des anomalies comptables, et une dette croissante. Cette dernière a plus que doublé au cours des cinq dernières années, passant de 6,4 milliards d’euros en 2019 à 15,6 milliards en 2024. Cette explosion s’explique par un déficit budgétaire structurel : chaque année, la Région dépense environ 25 % de plus qu’elle ne collecte en recettes fiscales, ce qui la contraint à emprunter la différence sur les marchés financiers, creusant encore le montant de la dette. Imaginez, vous gagnez 2500 euros nets par mois, mais vous en dépenser 3125. Combien de temps cela est-il tenable ?
Deux conceptions de l’argent public radicalement différentes
Cette gestion catastrophique s’explique par un rapport à l’argent public profondément différent en fonction du spectre politique. Les partis de droite essayent généralement de le gérer comme dans une entreprise privée. Les recettes doivent donc être plus importantes que les dépenses. Les partis de gauche, PS en tête, pensent au contraire que l’État (région, commune…) est d’abord là pour assurer des services, et que rien ne doit être rentable. Il y a cet inconscient collectif qu’on peut dépenser sans compter. C’est d’ailleurs exactement ce que dit Frédéric De Gucht quand il affirme que le PS, est comme un « alcoolique accro à la dépense publique ». La formule est brutale, mais les chiffres de la Cour des comptes lui donnent un écho inquiétant.
Une partie de la gauche reste attachée à une conception de l’État-providence qui, même dans les pays nordiques, modèles du genre, a été profondément revue pour rester durable. Quand l’Arizona, la Fédération Wallonie Bruxelles, et la Wallonie font des réformes, ce n’est pas parce qu’ils sont de droites, mais parce que c’est la seule solution pour pérenniser certain services essentiels comme les pensions, le chômage, les soins de santé ou l’enseignement.
Kanal, la grenouille plus grosse que le boeuf
La mauvaise gestion budgétaire peut être illustrée par le projet Kanal. L’idée de se doter d’un musée de grande qualité est louable, même si Bruxelles en possède déjà de nombreux. L’idée de s’associer (pour quelques millions tout de même) au Centre Pompidou parisien est déjà plus discutable. Mais vouloir à tout prix que ce projet voit le jour, alors que les coûts de rénovation explosent relève de cet « alcoolisme à la dépense publique. »
Les chiffres sont éloquents : le projet devait coûter maximum 125 millions d’euros. Nous en sommes à 230 millions, avec une demande de dotation pour frais de fonctionnement de près de 50 millions par an. Oui, oui : 50 millions.
La gauche nous explique que c’est la faute du Covid, de la guerre en Ukraine, et de l’inflation. La réalité est que le modèle est, comme souvent, mal pensé, et que ce projet ne sera jamais rentable. Il ne s’agit pas de dépenses pour sauver un besoin vital comme un filet de sécurité (chômage, cpas, pension…) mais d’un sauvetage d’une lubie (qui, par ailleurs a permis de recaser bon nombre de camarades socialistes dont le patron de Kanal, ancien chef cab du ministre président bruxellois actuel).
Les dépenses de la région bruxelloise, c’est la citation finale du film la Haine de Mathieu Kassovitz: « C’est l’histoire d’un homme qui tombe d’un immeuble de 50 étages. À chaque étage, il se répète : « Jusqu’ici tout va bien… Jusqu’ici tout va bien… Jusqu’ici tout va bien. » Mais l’important, ce n’est pas la chute… c’est l’atterrissage. »
Marcela Gori, vice-présidente (MR) du CPAS d’Anderlecht
(Photo libre d’accès Facebook)