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“Résister” de Salomé Saqué : face à l’extrême droite, des solutions qui sonnent souvent « creux »

par Rédaction

Le court essai « Résister », par son grand succès de librairie (300.000 exemplaires vendus) en dit long sur un certain manichéisme qui anime parfois  le « camp du bien », face à une extrême droite certainement porteuse de desseins peu enviables, mais dont l’auteure peine à définir les contours. Avare en projets concrets, le livre est bien à l’image d’une génération prompte à dénoncer, mais dont la posture moraliste, comme « hors -sol », peut désemparer.

« Ne laissons pas l’indifférence gagner » : plutôt que de diriger son énergie vers l’action concrète, Salomé Saqué, dans son essai « Résister » (Payot), fait avant tout étalage des limites de son approche : l’indignation comme moteur de changement. Bien dans la veine de Stéphane Hessel, qui avait connu pareil succès de librairie en 2010 avec son essai « Indignez-vous », la jeune auteure, journaliste au sein du média de gauche Blast, semble bien à l’image d’une certaine frange de « contestataires » porteurs de grands projets visant à changer le donne mais qui s’essoufflent (et qui fatiguent) par leur caractère « hors-sol ». « L’indignation, si elle n’est pas un remède miracle », soutient l’auteure, « a fait ses preuves dans l’Histoire », invitant ses lecteurs à « refuser les discours formatés » et à « rentrer en résistance ».

La jeunesse est inquiète d’un monde qui change par trop vite et dont les repères se tarissent. Face à ce constat qu’on devine anxiogène pour beaucoup, la principal confusion de Melle Saqué, semble-t-il, consiste à privilégier l’option des grandes idées sur un certain recul salutaire, qui peut permettre de distinguer ce qui peut faire paravent à toute crise et tout changement : un certain sens de la discipline, de l’effort, voire de l’introspection individuelle – qualités qui peuvent permettre justement de dépasser l’indignation pour se concentrer sur une vie bien ordonnée et purgée d’un idéalisme souvent stérile.

« Occulter le rôle politique du journalisme, (qui consiste à véhiculer des valeurs), c’est nier la bataille culturelle qui se joue actuellement » – Salomé Saqué, « Résister » (Payot)

Reste la question de l’extrême-droite. L’auteure, qui ne fait pas secret de la nécessité, estime-t-elle, d’un « journalisme militant », pose la question de la nature de la bataille qui se joue dans nos sociétés. Melle Saqué soutient qu’elle est « culturelle ». C’est une option ; mais cela semble plutôt un parti-pris. Faire une fixation sur l’extrême-droite comme cause unique des maux dont souffre la société en est un aussi – le RN, puisque c’est de lui dont il s’agit, apparaît plutôt comme la manifestation d’un malaise. Quant au danger qu’il représente, il est certes réel, mais on peut s’interroger sur la façon de s’y confronter, outre le fait qu’une fixation de cette nature oblitère aussi d’enjeux auxquels les « contestataires » refusent de se confronter : responsabilisation des individus, endormis par des aides sociales souvent motivées par des considérations électoralistes, et, plus largement, mise en doute d’une immigration « portes ouvertes » – car pas au mérite – dont il semble humain qu’elle puisse frustrer certains autochtones.

Il reste certes à l’auteure les déclarations de bonnes intentions :  « on peut aussi imaginer » avance-t-elle, « l’organisation de débats citoyens dans son quartier, en vue de favoriser (…) la compréhension mutuelle. Toutes ces actions redonnent au citoyen un pouvoir d’agir concret, renforçant ainsi le tissu démocratique et social des communautés ». Melle Saqué donne l’impression, en effet, et tout le long de son essai, d’enfoncer des portes ouvertes et de peiner à se confronter au réel. Dans nos collectivités, et plus certainement en espace urbain, les gens n’ont pas le temps – en ont-ils l’envie ? – de s’encombrer d’un idéalisme citoyen souvent « hors-sol », revendiqué – imposé ? – par une certaine gauche comme solution à tous les problèmes. Les gens – en majorité – se lèvent, vont travailler, rentrent et se détendent en famille. Il semble, en déplaise à l’auteure, qu’on ne puisse pas leur reprocher de ne pas verser, comme elle, dans un idéalisme souvent stérile.

La rédaction

(Photo (c) Payot)

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