Face à la montée des violences et d’un sentiment d’insécurité, l’administration Trump lance en cette fin d’année une série de mesures pour restreindre tant l’immigration légale que l’asile, bouleversant au passage largement les pratiques établies. La Belgique est d’ailleurs impactée.
Depuis le début décembre, l’agence américaine chargée des visas et des cartes vertes (USCIS) a mis « en pause » les demandes d’immigration provenant de 12 pays qualifiés de « à haut risque », et incluent notamment la Somalie et l’Afghanistan, à la suite de la tragédie survenue le 26 novembre dernier lorsque deux membres de la Garde nationale ont été abattus dans la capitale de Washington DC par un citoyen d’origine afghane non naturalisé américain.
Cette mesure concerne – de façon inédite – aussi bien les demandes d’asile que les demandes de résidence permanente, de naturalisation ou de parrainage familial. Par ailleurs, l’entrée sur le territoire des ressortissants de douze pays est interdite depuis juin 2025, sur fond de déclarations justifiant ces interdictions par des risques supposés pour la sécurité nationale. Ces restrictions s’accompagnent d’une perspective d’extension à d’autres pays — jusqu’à 30, selon les responsables de l’Intérieur.
Réduction des permis de travail et gel des demandes d’asile
Un coup de massue est également porté sur l’accès au travail pour les migrants. Depuis début décembre, les autorisations de travail pour demandeurs d’asile, réfugiés ou personnes sous protection humanitaire ne sont désormais plus émises pour cinq ans, mais limitées à 18 mois. En parallèle, l’administration a suspendu — provisoirement mais sans calendrier de reprise — l’étude des demandes d’asile pour tous les ressortissants, quelle que soit leur nationalité.
Dès sa prise de fonction en janvier dernier, M. Trump a signé un décret élargissant l’usage de la possibilité de reconduire à la frontière des migrants sans audience devant un juge. Ce dispositif s’accompagne d’un renforcement spectaculaire des moyens de l’ICE (l’agence américaine de l’immigration et des douanes), avec des objectifs quotidiens d’arrestations ou de déportations pouvant atteindre 1 200 à 1 500 personnes par jour dans les grandes zones urbaines. Selon des estimations récentes, l’administration pourrait ainsi expulser jusqu’à un million de personnes chaque année, à la faveur d’un budget colossal pour construire de nouveaux centres de détention et recruter des milliers d’agents.
Avant les élections présidentielles de novembre 2024, l’immigration illégale constituait d’après les sondages la préoccupation numéro un des Américains.
Des conséquences économiques et sociales — et un avenir incertain
Les conséquences de ces politiques sont lourdes. Une étude récente estime qu’à long terme, la réduction drastique de l’immigration et des autorisations de travail pourrait diminuer de 15,7 millions le nombre de travailleurs aux États-Unis d’ici 2035, avec un impact potentiellement négatif sur la croissance économique et le marché de l’emploi. Sur le plan humain, les associations dénoncent une politique de « traque » systématique des populations migrantes, y compris des familles, des demandeurs d’asile, et des réfugiés, avec un risque d’arrestations arbitraires, de détentions prolongées, voire d’expulsions massives.
Officiellement, l’exécutif justifie ces mesures par la nécessité de « protéger les Américains » ; mais au-delà de la question sécuritaire, cette stratégie s’inscrit dans un projet politique plus large : durcir les frontières, restructurer l’immigration légale, et afficher un profil ferme pour amadouer la frange la plus conservatrice de l’électorat trumpiste. Mais pas seulement trumpiste : avant les élections présidentielles de novembre 2024, l’immigration illégale constituait d’après les sondages la préoccupation numéro un des Américains.
Un tournant radical
Avec ce train de mesures, l’administration Trump forge un tournant radical dans la politique migratoire américaine. Le cadre légal et administratif s’en trouve profondément transformé : gel des demandes d’immigration, restrictions massives sur les permis de travail, relance des expulsions rapides, budgets massifs pour la détention, et retour d’un usage « large » des pouvoirs exécutifs.
Ces nouvelles dispositions, si elles constituent un changement notable par rapport au rôle communément admis de « pays d’accueil » et d’immigration des Etats-Unis – depuis ses origines, sont également à la source d’une pression sur le marché du travail. Les Etats-Unis – pays où les nationaux de souche ne veulent plus faire de « petits boulots » – constituent un espace où toutes les tâches ingrates ou presque (travail dans les champs, femmes de chambre, petits magasins, travail de ménage, etc.) sont tenues par des personnes d’origine immigrée, principalement des latino-américains. L’administration Trump sait que le pays, à terme, ne peut pas se passer d’eux, et doit donc créer un subtil équilibre entre cohésion nationale et croissance économique.
La rédaction, avec Maxence Dozin
(Photo by Aaron Schwartz/Sipa USA)