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Quand la médiacratie impose son narratif : « Il existe des territoires interdits dans les rédactions »

par L.M.

Journaliste et éditorialiste pour 21News notamment, Nicolas de Pape publie Médiacratie/La Fabrique des narratifs, (Éd. Perspectives Livres), un essai qui dissèque le pouvoir du narratif des médias dominants. Ce pouvoir est de plus en plus fragilisé par l’émergence des médias dits « alternatifs ». Autocensure, mensonge par omission, fact-checking à sens unique,… Toutes les rédactions ne semblent pas prêtes à faire leur autocritique. Et pourtant, le monde politique les craint. Interview avec l’auteur, journaliste depuis plus de trente-cinq ans.

21News : Qu’entendez-vous par « médiacratie » ?

Nicolas de Pape : Nous sommes passés de la démocratie (pouvoir du peuple) à la médiacratie (pouvoir des médias). Quand je parle de médiacratie, je parle d’un pouvoir autonome. Les médias ne sont plus des observateurs : ils se comportent comme un acteur politique à part entière. Ils ont leurs propres intérêts, leurs propres réflexes idéologiques, leur propre agenda. Et ce qui est frappant, c’est que ce sont désormais les hommes politiques qui sont à leur remorque, intimidés ou terrorisés par les narratifs qu’on leur impose. C’est cela, la médiacratie : un petit monde qui façonne la perception collective sans rendre de comptes, tout en prétendant n’être qu’un simple miroir, forcément indépendant et neutre.

21News : Selon vous, les médias ne sont donc plus un contre-pouvoir, mais ils sont devenus un pouvoir tout court ?

Nicolas de Pape : Non, les médias ne sont plus un contre-pouvoir. Ce n’est même plus le « Quatrième Pouvoir » mais le Premier pouvoir : une presse qui ne contrôle plus le pouvoir mais qui cherche à le modeler. Les médias ont des mantras tels que « L’Europe c’est la paix », « L’impôt est la première des solidarités », « L’immigration est une chance ». Ils nous proposent une grille de lecture manichéenne avec les « bons » (Justin Trudeau) et les « méchants » (Donald Trump). C’est particulièrement évident pour les présidents américains : les présidents (ou candidats) démocrates sont très bien accueillis dans les rédactions (Bill Clinton, Barack Obama, Joe Biden) et les présidents républicains sont ostracisés (Ronald Reagan, Bush père et fils, Donald Trump).

On n’est plus dans un système de vigilance démocratique, mais dans un système d’ingénierie de l’opinion, où un petit milieu homogène impose sa vision du monde sous couvert de neutralité. Les journalistes ne veulent pas seulement relater : ils veulent orienter. Et ce qui est fascinant, c’est que les politiques eux-mêmes ont peur de ce pouvoir-là. Ce sont eux, aujourd’hui, qui courent derrière l’humeur médiatique. L’intimidation des intellectuels et des hommes politiques qui veulent poser les vraies questions est permanente. Le risque d’être traité de xénophobe par exemple n’incite pas à questionner l’immigration. La peur d’être traité de complotiste empêche de poser un regard critique sur la gestion de la pandémie covid-19 et, surtout, ses origines. Je reste persuadé qu’il s’agit d’une zoonose traditionnelle comme dans l’immense majorité des cas d’apparition de maladies, mais qui aurait osé poser la question d’une échappée d’un laboratoire avant que Joe Biden ne l’évoque sur base des informations de ses services secrets ?

Donc la démocratie représentative se retrouve écrasée entre deux forces : le politique et le médiatique. Et devinez quoi ? C’est la seconde qui domine la première.

« Celui qui ose dire « attendez, vérifions » est catalogué comme suspect, voire complotiste. »

21News : Comment expliquez-vous que certains sujets deviennent instantanément tabous dans les rédactions ?

Nicolas de Pape : Parce que tout le système encourage l’alignement. Un journaliste n’a même plus besoin d’être recadré : il se recadre tout seul. La liste des mécanismes que je détaille dans l’essai est sans appel : pression des pairs, recherche d’acceptation sociale, peur des réseaux, dépendance aux sources, habitus professionnel, sphères de consensus… Tout est fait pour que certaines idées apparaissent comme “intouchables”.

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