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Antisémitisme à l’ULB : Gad Deshayes répond à la rectrice Schaus

par Rédaction

À l’ULB, une même affaire donne naissance à deux récits irréconciliables et jette une lumière crue sur l’état du climat universitaire. D’un côté, un étudiant juif – agressé en mai 2024, insulté de « sale juif » et reconnu comme président de l’UEJB par son assaillant – accuse l’Université libre de Bruxelles de refuser obstinément de qualifier l’agression d’antisémite, malgré des preuves qu’il estime accablantes et malgré plus d’un an de procédure chaotique. De l’autre, la rectrice Annemie Schaus défend une institution « qui ne sera jamais un théâtre de la haine », justifiant la décision disciplinaire par un manque de « matérialité suffisante » et rappelant le principe du bénéfice du doute. Pendant que l’étudiant dénonce un laxisme systémique, le soutien public de cercles étudiants à son agresseur et l’abandon progressif des étudiants juifs, la direction de l’ULB assure avoir agi sans délai, réitère sa condamnation totale du racisme et promet de renforcer la lutte contre toutes les formes de haine. Cette affaire, devenue emblématique, dépasse désormais un simple litige disciplinaire : elle interroge la capacité de l’université à protéger ses étudiants, à résister aux pressions militantes et à affronter la montée de l’antisémitisme sur ses campus.

« À la lecture du communiqué publié lundi 1er décembre par la rectrice de l’Université libre de Bruxelles (lire encadré ci-dessous), je découvre que la Commission disciplinaire chargée de statuer sur l’agression dont j’ai été victime refuse d’en reconnaître le caractère antisémite, souligne Gad Deshayes, ancien président de l’Union des Etudiants Juifs de Belgique (UEJB).

Le 7 mai 2024, en marge de l’occupation du bâtiment B, alors que je regagnais ma voiture garée sur le parking de l’ULB, un étudiant masqué m’a interpellé, affirmant me reconnaître comme président de l’Union des Étudiants Juifs de Belgique (UEJB), avant de me porter des coups en m’insultant de « sale juif ». Ce n’est qu’en décembre 2024, plus de sept mois après les faits, qu’une instruction disciplinaire a finalement été ouverte.

En juillet 2025, soit plus d’un an après les faits, la Commission disciplinaire de première instance a reconnu l’agression, mais n’a pas reconnu son caractère antisémite. La Commission d’appel a confirmé cette décision en novembre 2025.

Pourtant, le dossier comporte un nombre important d’éléments allant dans le sens d’une agression antisémite (vidéos de surveillance, témoignages, éléments relatifs à la personnalité de l’agresseur). Il devient ainsi difficile d’imaginer quelles preuves auraient été jugées suffisantes.

Plus rien ne m’étonne, hélas, quant à l’antisémitisme à l’ULB et au laxisme dont font preuve les autorités. Là où d’autres dossiers sont traités en quelques semaines, la procédure visant mon agresseur a pris plus d’un an. Plusieurs cercles étudiants de l’ULB, rejoints par un syndicat, ont été jusqu’à organiser des collectes de fonds et à manifester leur soutien à l’agresseur, exigeant que le caractère antisémite des faits soit écarté. La Commission disciplinaire a cédé à ces pressions, créant ainsi un inquiétant précédent.

Mais au-delà de l’effroi, un profond sentiment d’injustice. L’injustice de voir des étudiants et des organisations étudiantes soutenir publiquement, depuis des mois, mon agresseur. L’injustice d’avoir été mis sous protection par l’ULB uniquement pour leur éviter d’intervenir dans l’occupation et de prendre des mesures d’écartement du campus contre mon agresseur. Et surtout, l’injustice de constater que l’ULB choisit de poursuivre sa politique de façade, délaisse chaque jour un peu plus ses étudiants juifs et laisse la passion antisémite s’emparer de ses campus.

Je continuerai de mener ce combat en justice, car je refuse de croire que la Belgique ne protège plus sa communauté juive. J’appelle les présidents de partis, les parlementaires et les responsables politiques à prendre la mesure de cette décision. Elle constitue un énième signal sur l’état inquiétant de l’ULB, mais aussi, plus largement, sur la montée dramatique de l’antisémitisme en Belgique.

En réalité, l’ULB, par cette décision, persiste et signe dans l’abandon de ses valeurs et se maintient ainsi en tête du classement des universités les plus antisémites d’Europe. »

Communiqué de la Rectrice de l’ULB, Annemie Schaus

« Jamais l’Université libre de Bruxelles ne sera un théâtre de la haine »

Bruxelles, le 01 décembre 2025

En mai 2024, un étudiant juif témoigne avoir subi une agression physique, assortie d’une injure antisémite : « c’est un sale juif ». Sans délai, l’ULB a décidé de déposer plainte, d’engager une procédure disciplinaire et en a averti la communauté universitaire.

En juillet, une première décision est rendue : les faits de violence sont établis mais la qualification d’antisémitisme n’est pas retenue faute de pouvoir en établir la matérialité. Cela ne signifie pas que les propos n’ont pas été tenus mais que les preuves disponibles n’ont pas permis, aux yeux de la commission de discipline, d’obtenir une certitude suffisante.

Le bénéfice du doute accordé à toute personne poursuivie est un pilier du droit. Le refus catégorique de toute violence sur nos campus, particulièrement lorsqu’elle se double de racisme, est un pilier de notre Université. Parce que nous prenons au sérieux les paroles de toutes les victimes, j’ai fait appel de la décision.

En appel, les travaux n’ont, hélas, pas permis de dégager de nouveaux éléments permettant d’établir une matérialité suffisante pour lever tout doute. Toutefois, cet appel n’a pas été vain ; il aura permis de porter le processus disciplinaire à son terme. Car nous avons le devoir d’entendre, de croire et de protéger.

L’engagement fait partie de l’histoire et de l’identité de notre Université. A ce titre, la solidarité avec les Palestiniens, comme toute solidarité face aux atteintes aux droits fondamentaux, y est légitime. En revanche, la violence et l’antisémitisme n’ont pas de place sur notre campus. Aucune forme de racisme n’y a de place.

Une procédure s’achève mais nous poursuivons le travail. Avec l’aide de mon équipe rectorale et des instances de l’ULB, nous renforcerons les actions de lutte contre les racismes. Il est essentiel que notre université soit un espace où chacun de ses membres, quel que soit son titre, se sente libre, protégé, respecté et écouté.

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