L’Iran est en train de se soulever contre le régime de la République islamique. À Téhéran, Machhad, Ispahan, comme dans la quasi-totalité des villes du pays, des centaines de milliers d’Iraniens sont descendus dans la rue. Ils n’y vont pas pour protester à la marge. Ils y vont pour survivre, pour reprendre leur dignité, pour dire non à un régime qui les écrase depuis quarante-six ans. La colère est partout, visible sur les visages, audible dans les cris, palpable dans les nuits iraniennes où un peuple entier refuse désormais de se taire.
Depuis le dimanche 28 décembre, les commerces ferment leurs portes dans la capitale et les grandes villes. Le grand bazar, véritable poumon économique du pays, est à l’arrêt. Des commerçants appellent publiquement leurs collègues à faire de même. En Iran, la fermeture est un acte politique majeur, un signal de rupture, un avertissement adressé au pouvoir. La République islamique traverse aujourd’hui la plus grave crise économique de son histoire. À l’effondrement du pouvoir d’achat s’ajoutent des pénuries massives : près de deux tiers du pays manquent d’eau potable, les coupures d’électricité paralysent les grandes villes et, en plein hiver, le bois pour se chauffer fait défaut. Les forêts, déjà rares, ont été surexploitées par un régime incapable de penser le long terme, obsédé par sa survie plutôt que par l’avenir de son peuple.
Cette misère est d’autant plus absurde que l’Iran regorge de richesses. Pétrole, gaz, ressources naturelles abondantes : le pays pourrait figurer parmi les plus prospères du monde. Et pourtant, près de 70 % de la population vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. La cause est connue. Elle n’est ni conjoncturelle ni accidentelle. C’est une corruption structurelle, enracinée au sommet de l’État, devenue un mode de gouvernance.
Un pays au bord de l’asphyxie
Pendant ce temps, l’argent du pays est détourné pour financer des organisations terroristes comme le Hamas et le Hezbollah, ainsi que des milices armées en Syrie, en Irak et jusqu’au Yémen. Le tout pour complaire aux Frères musulmans, indifférents à toute autre cause que la conquête idéologique de la oumma, et obsédés par la destruction des juifs. Dans les rues, les slogans fusent : « Ni Gaza, ni le Liban, je donne ma vie pour l’Iran ». C’est un cri national, sans ambiguïté, un cri de survie.
Depuis mardi, les étudiants des grandes universités, à Téhéran, Ispahan et ailleurs, ont rejoint le mouvement, aux côtés des intellectuels, des commerçants et de simples citoyens. Leur mot d’ordre est clair, universel, intemporel : Liberté, liberté, liberté. À l’université de Téhéran, des étudiants ont fait tomber le portrait d’Ali Khamenei. Dans la nuit de lundi à mardi, dans plusieurs villes, ses photos ont été brûlées et le drapeau de la République islamique arraché. Les cris résonnent : « Ta akhond kafan nashavad, in vatan vatan nashavad », tant que les mollahs ne disparaîtront pas, ce pays ne sera pas un pays. En Iran, ces gestes ne sont pas symboliques : ils peuvent coûter la prison, la torture, parfois la vie.
Un soulèvement national face à une dictature islamiste
La situation sécuritaire se tend dangereusement. Des informations non confirmées indiquent que le Corps des gardiens de la révolution islamique serait en train de prendre directement le commandement des opérations et de déployer ses unités. Si les violences contre les manifestants se multiplient, les forces anti-émeutes n’ont, jusqu’à présent, pas réussi à étouffer le soulèvement. Un déploiement massif des forces du Basij apparaît désormais imminent.
Dans les rues, on entend aussi des appels au retour de Reza Pahlavi, y compris parmi une génération qui n’a pourtant pas connu l’Iran d’avant 1979. En 2024, une enquête de l’institut Gamaan révélait qu’il était la personnalité politique la plus populaire du pays, avec 39 % d’opinions favorables.
Les femmes sont au cœur de cette révolte. Depuis la mort de Mahsa Amini le 22 septembre 2022, elles n’ont jamais quitté la rue. Elles ont coupé leurs cheveux, brûlé leurs voiles, scandé « Femme, Vie, Liberté ». Aujourd’hui encore, elles sont en première ligne, criant : « Natarsid, natarsid, ma hame baham hastim ». N’ayez pas peur, n’ayez pas nous sommes tous ensemble.
Un pouvoir acculé face à la rue
Ce qui se déroule aujourd’hui en Iran n’est pas une simple contestation sociale. C’est un mouvement national. Un soulèvement contre un régime islamiste qui tue, emprisonne et exécute au nom de la religion. Une révolte contre une dictature qui nourrit le terrorisme, isole son peuple et détruit méthodiquement son avenir. Et pourtant, le silence occidental est assourdissant.
J’ai mal lorsque des Iraniens m’écrivent, me supplient de les aider, et que je ne peux rien faire d’autre que témoigner. J’ai mal de voir ces héros descendre dans les rues, encore et encore, sans aucun soutien international. J’ai mal de voir tant de femmes et d’hommes emprisonnés, torturés ou exécutés pour avoir réclamé un droit élémentaire : celui de vivre libres.
Le soulèvement iranien est un cauchemar pour une partie de la gauche occidentale parce qu’il ne correspond à aucun récit confortable. Pas de victimisation rentable. Pas de posture morale facile. Pas de symbole commode à brandir. Juste un peuple qui se lève, seul, face à une dictature. Alors on détourne le regard. On minimise. On relativise. On se tait. Parce que la vérité dérange plus que les mollahs.
Mais une chose est certaine, de la chute de ce régime naîtra une renaissance, pour l’Iran et pour toute la région. La seule question qui demeure aujourd’hui est simple et brutale : quand, et qui, aura enfin le courage d’aider le peuple iranien dans son combat contre le régime des mollahs ?
Melissa Amirkhizy, conseillère communale MR à Ganshoren
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