Le renseignement intérieur allemand (BfV) a suspendu provisoirement son classement de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) en tant que « groupe d’extrême droite avéré ». Cette décision intervient après un recours déposé par le parti devant le tribunal administratif de Cologne, qui a confirmé jeudi que cette suspension resterait en vigueur jusqu’au jugement sur le fond. En conséquence, le BfV a retiré son communiqué du 2 mai et ne peut plus mettre en place la surveillance policière renforcée permise par cette classification.
Officiellement, cette suspension est une mesure procédurale. Mais elle intervient dans un contexte politique particulièrement tendu. L’annonce de la nouvelle catégorisation du parti, arrivé en deuxième position aux dernières élections législatives, avait provoqué un séisme politique, à quelques jours de l’investiture du chancelier Friedrich Merz. Ce dernier, qui avait déjà échoué une première fois à accéder à la chancellerie, semble aujourd’hui soucieux de préserver l’unité d’un paysage politique fragmenté, notamment à droite.
Une pression venue de Washington
À cela s’ajoute une pression diplomatique inhabituelle : l’administration Trump a pris fait et cause pour l’AfD, multipliant les signaux de soutien. Un contexte qui pourrait expliquer ce recul tactique de Berlin.
Le BfV s’était pourtant appuyé sur un volumineux rapport interne de plus de 1.000 pages, concluant que l’idéologie de l’AfD dévalorise des groupes entiers de la population et porte atteinte à leur dignité humaine, ce qui serait incompatible avec l’ordre démocratique fondamental. Le même tribunal de Cologne avait d’ailleurs validé en 2022 une première décision classant le parti comme cas suspect d’extrémisme.
Les coprésidents de l’AfD, Tino Chrupalla et Alice Weidel, ont salué une « victoire partielle contre les services » de renseignement. Mais cette suspension se déplace du terrain judiciaire… à sur celui, plus opaque, des équilibres (géo)politiques.
A.G.
(Photo : Michael Ukas/dpa)
