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Montebourg dénonce une Europe de la dépendance et de la dépossession démocratique

par Harrison du Bus
Aurelien Morissard/MAXPPP

Invité de l’émission d’Alexandre Devecchio du Figaro, Arnaud Montebourg (photo) a livré une charge sévère contre le système européen tel qu’il fonctionne aujourd’hui. L’ancien ministre de l’Économie y développe une critique cohérente et ancienne : celle d’une Europe qui aurait progressivement organisé la dépendance stratégique du continent, au détriment de la souveraineté démocratique des États et de la liberté politique des citoyens.

Le diagnostic est sans détour. « Nous sommes les vassaux industriels de la Chine et les vassaux numériques des États-Unis », affirme Montebourg, avant d’en désigner le responsable : « le système européen ». Pour lui, cette situation n’est ni accidentelle ni conjoncturelle, mais le produit de choix politiques accumulés depuis plusieurs décennies, fondés sur l’ouverture sans protection, la dérégulation et la délégation croissante de compétences à des institutions éloignées du contrôle citoyen.

Une rupture ancienne avec le projet européen tel qu’il s’est transformé

Montebourg insiste sur son propre parcours pour illustrer ce désenchantement. S’il a voté en faveur du traité de Maastricht, il explique n’avoir « plus marché » ensuite, jusqu’à voter contre lors du référendum. Le traité de Lisbonne, adopté après le rejet populaire du projet constitutionnel, reste à ses yeux un moment clé de rupture démocratique : « on me l’a fait gober », résume-t-il, évoquant une dépossession progressive du consentement populaire.

Son reproche central ne vise pas l’idée européenne en tant que telle, qu’il dit ne pas vouloir abolir, mais son fonctionnement actuel. Il est pour la liberté et la souveraineté, et ajoute qu’il ne croit pas à un système qui « confie les clés de notre futur » sans véritable contrôle démocratique.

Une Europe intrusive à l’intérieur, impuissante à l’extérieur

Au cœur de sa critique figure un déséquilibre qu’il juge explosif : une Europe très interventionniste vis-à-vis de ses propres États, mais incapable d’imposer sa puissance à l’extérieur. Montebourg rappelle que 63 à 65 % des lois nationales sont aujourd’hui d’origine européenne, une proportion qu’il estime incompatible avec une démocratie vivante fondée sur le débat, l’adhésion et le consentement.

À l’inverse, face aux États-Unis et à la Chine, l’Union se montre selon lui incapable de protéger ses intérêts industriels, technologiques et stratégiques. Le résultat une double dépendance qui alimente à la fois l’affaiblissement économique et l’exaspération politique intérieure.

Il invoque à ce titre la notion de subsidiarité, telle qu’elle avait été formulée par Valéry Giscard d’Estaing lors de la Convention sur l’avenir de l’Europe : laisser aux États ce qu’ils peuvent faire eux-mêmes, et réserver à l’Europe l’essentiel. « Aujourd’hui, c’est l’inverse », déplore Montebourg, parlant d’une stratégie « invasive » des institutions européennes.

La servitude par habitude

L’ancien ministre a aussi convoqué Étienne de La Boétie et son Discours de la servitude volontaire. Selon Montebourg, l’Europe s’est installée dans une forme d’acceptation passive de la dépendance : « on s’habitue à être dominé », dit-il, par les produits chinois et la puissance américaine. Le risque, avertit-il, est clair : « finir pauvres et enchaînés ».

Derrière la formule, une question demeure, posée frontalement : comment sortir de cette dépendance sans rompre avec l’Europe, mais sans continuer à s’y dissoudre ? Une interrogation qui dépasse le cas Montebourg et traverse désormais une large part du débat politique européen.

Harrison du Bus

(Aurelien Morissard/MAXPPP)

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