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Le cordon sanitaire, une exception belge à réexaminer ? (Opinion)

par Contribution Externe

La notion de cordon sanitaire permet, en Belgique, d’écarter les partis clairement hostiles à l’État de droit et aux libertés individuelles. Mais la porte vers l’arbitraire peut, dans certains cas, être ouverte. Ce qui nuit au vrai débat démocratique. Une opinion d’Alain Schenkels, dirigeant d’entreprise.

En Belgique, le cordon sanitaire est une singularité politique qui vise à isoler certains partis jugés incompatibles avec les valeurs démocratiques. Historiquement, il a été instauré pour empêcher l’extrême droite, principalement le Vlaams Blok puis son successeur le Vlaams Belang, d’accéder au pouvoir ou même de participer à la vie politique et médiatique comme les autres formations. Cette pratique soulève, selon moi, de nombreuses questions sur sa légitimité, son application et ses contradictions.

Le cordon sanitaire se traduit par un refus systématique de toute alliance politique avec le VB, mais aussi, dans la partie francophone du pays uniquement, par une exclusion médiatique (en direct) de ses représentants des plateaux de télévision et de radio. Mais la frontière entre protection de la démocratie et censure politique reste ténue, et il est à déplorer que ce cordon sanitaire ne s’applique pas à l’extrême gauche.

Il n’existe pas de consensus pour l’étendre à d’autres partis, même lorsque ceux-ci suscitent la controverse. À l’extrême gauche, des alliances avec le PTB ou la Team Fouad Ahidar ne soulèvent guère d’objections, malgré des accusations d’antisémitisme, des positions en opposition à la démocratie libérale – fondée sur l’État de droit, la séparation des pouvoirs et la protection des libertés fondamentales –, ou encore un refus de l’État laïque et une volonté d’intégrer la religion dans la sphère publique. Cette situation crée une incohérence manifeste : pourquoi certains partis sont-ils exclus du débat démocratique, alors que d’autres, tout aussi controversés, bénéficient d’une bienveillance médiatique et politique ?

Je suis convaincu que l’alliance politique doit rester un choix souverain des partis démocratiques. Refuser de gouverner avec un parti dont les valeurs sont incompatibles avec les principes démocratiques est une précaution légitime. En revanche, le cordon sanitaire médiatique qui prive certains partis de la parole, va trop loin. Il revient à la Justice de déterminer si un parti est contraire à la Constitution, et non aux médias ou aux partis politiques de juger de la légitimité démocratique d’une formation.

Si le cordon sanitaire vise à préserver l’intégrité démocratique en empêchant toute alliance politique avec des formations extrémistes, il ne doit pas pour autant conduire à une paralysie du débat parlementaire ou à un refus systématique de toute discussion.

Les partis démocratiques doivent conserver la capacité d’examiner, de débattre et, le cas échéant, de voter certains textes soutenus par des formations extrémistes, dès lors que ces propositions s’inscrivent dans une vision partagée du bien commun ou répondent à des attentes légitimes des citoyens. La confrontation des idées doit être possible, y compris sur des sujets portés par des partis situés aux extrêmes, à condition que les valeurs fondamentales de l’État de droit et des libertés individuelles soient respectées.

Seul le pouvoir judiciaire peut trancher sur la compatibilité d’un parti avec la Constitution. Confier ce pouvoir aux médias ou aux partis politiques ouvre la porte à l’arbitraire et à la censure. Si un parti est jugé inconstitutionnel, il doit être interdit officiellement. Dans le cas contraire, il doit pouvoir s’exprimer et participer au débat démocratique, quelles que soient les réticences ou les oppositions.

Alain Schenkels, dirigeant d’entreprise

(Photo Belga Ward Vandael : affiches du Vlaams Belang vandalisées à Ranst, au lendemain des élections communales du 13 octobre 2024)

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