La fête de Hanouka s’est achevée cette année dans une atmosphère lourde à New York. À Brooklyn, dans le quartier de Carroll Gardens, la ménora (chandelier rituel juif) installée pour les célébrations a été retrouvée vandalisée dans la nuit de vendredi à samedi. Un incident qui, au-delà des faits matériels, agit comme un révélateur d’un malaise plus profond au sein de la communauté juive new-yorkaise.
Correspondant aux États-Unis pour RadioJ, Sébastien Lévi raconte avoir découvert la dégradation de la ménora de son quartier, traditionnellement installée à proximité d’autres décorations festives restées intactes. Si l’hypothèse d’un accident climatique n’est pas totalement exclue, la situation a immédiatement suscité de fortes suspicions.
Face à cet événement, une initiative locale s’est rapidement organisée. Les responsables du mouvement Chabad ont été sollicités afin d’installer une nouvelle ménora. Dimanche, une cinquantaine de personnes se sont rassemblées pour un nouvel allumage, accompagné de chants et de prises de parole. Un moment à la fois solennel et chargé d’émotion.
Depuis le 7 octobre, une inquiétude diffuse mais persistante
Cet épisode local s’inscrit dans un climat plus large. Depuis les attaques du 7 octobre 2023 en Israël, la perception de l’antisémitisme a profondément changé à New York. Les chiffres évoqués sont sans équivoque : aux États-Unis, les actes antisémites sont passés d’environ 4.000 à près de 10.000 en un an, avec une concentration particulière dans la région new-yorkaise, qui abrite la plus importante population juive du pays.
La ville compte près d’1,5 million de Juifs, ce qui en fait la plus grande communauté juive au monde, devant Jérusalem. Dès lors, toute montée de tensions a un impact direct sur le visage même de la métropole.
Entre gestes politiques et inquiétudes persistantes
Sur le plan politique, plusieurs signaux ont été envoyés pour tenter d’apaiser les craintes. La gouverneure de l’État de New York, Kathy Hochul, s’est rendue à l’allumage de la grande ménora de la 5e Avenue, un événement emblématique et perçu comme un message de soutien clair à la communauté juive.
Le maire de New York sortant, Eric Adams, a également multiplié les gestes symboliques, notamment après des attaques antérieures visant des lieux juifs. Pourtant, ces signaux ne suffisent pas à dissiper toutes les inquiétudes. Environ un tiers des Juifs new-yorkais ont voté pour lui lors de son élection, tandis que deux tiers s’y sont opposés. Aujourd’hui, près de la moitié de cette population se dit inquiète de l’évolution du climat.
Une peur qui s’installe dans la vie quotidienne
Au-delà des chiffres, c’est le quotidien qui change. Sébastien Lévi évoque une réalité nouvelle, intime et troublante : sa femme hésite désormais à lire en hébreu ou à parler cette langue avec leurs enfants dans le métro. Lui-même confie qu’il ne brandirait plus un drapeau israélien dans l’espace public sans précaution.
Autre signe marquant : la présence policière renforcée. Devant les synagogues, lors des célébrations religieuses, ou même au consulat de France à New York lors de l’allumage des bougies de Hanouka, les forces de l’ordre sont désormais omniprésentes. Une situation inédite, devenue presque routinière
New York, ville juive sous protection permanente ?
« Quand quelque chose d’aussi massif touche les Juifs, cela change le visage de New York », observe le correspondant. Ville historiquement façonnée par l’immigration juive, la métropole américaine semble entrer dans une nouvelle ère, où la sécurité devient une condition préalable à l’expression religieuse.
Hanouka, fête de la lumière, aura cette année mis en évidence une réalité plus sombre : celle d’une communauté contrainte de s’adapter à un climat de méfiance durable, dans une ville qui, jusqu’ici, incarnait pour beaucoup un espace de liberté et de coexistence.
La rédaction
(Photo de Nicolas Messyasz)
