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Noëlle Lenoir : « L’inertie de l’Union européenne face au cas Boualem Sansal est moralement choquante »

par Nicolas de Pape

Noëlle Lenoir revient en détail sur sa décision de mettre les instances européennes face à leurs responsabilités, dans le dossier de Boualem Sansal. Pour la présidente du Comité de soutien, l’écrivain franco-algérien est un prisonnier d’opinion, incarcéré pour ses écrits et ses déclarations.

21News : Comment qualifier les « réponses » de l’Union européenne à votre requête jusqu’à présent et comment expliquer ce manque d’initiative de la part de l’UE toujours prompte à défendre les Droits de l’homme dans le monde entier ?

Noëlle Lenoir : Ces réponses – je dirais plutôt cette inertie et cette désinvolture – sont moralement choquantes. Elles contredisent les déclarations des responsables l’UE qui s’empressent à chaque fois que possible de souligner l’importance qu’ils attachent à la défense des droits fondamentaux. Un nombre incalculable de directives et règlements rappellent ainsi le traité sur l’Union européenne qui dispose que « l’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. »

Les droits fondamentaux de notre compatriote français et donc européen, Boualem Sansal, sont violés à plus d’un titre. Il se voit privé de l’exercice élémentaire de ses droits de la défense, son avocat français n’ayant pas reçu le visa nécessaire pour lui rendre visite ; il ne peut même pas échanger avec lui par téléphone, par courrier ou par courriel. Son procès expéditif et quasiment à huis clos a été tout sauf équitable. Et le Parquet d’Alger a fait appel dans des conditions opaques.

Mais avant tout, Boualem Sansal est un prisonnier d’opinion.

21News : Pourquoi Boualem Sansal peut-il être regardé comme un « prisonnier d’opinion » ?

N.L. : C’est sa liberté d’expression qui lui a valu d’être embastillé ainsi sans ménagement et sans les soins requis par son état de santé. Cette liberté d’expression est si prisée par les responsables européens qu’elle a conduit l’UE à adopter une directive du 11 avril 2024 « sur les procédures baillons » pour interdire à ceux qui sont diffamés par des ONG ou des défenseurs des droits de poursuivre ces derniers en justice pour obtenir réparation ! On doit en conclure que la liberté d’expression d’un écrivain âgé et malade, titulaire des prix littéraires les plus prestigieux, en dernier lieu le prix de la Fondation Cino del Duca (qui vient après le prix Nobel de Littérature), compte moins que la liberté d’expression des ONG, même les plus puissantes et dotées financièrement ! Il s’agit d’une inversion de valeurs.

« Marxisme et islamisme sont liés. »

Rappelons que Boualem Sansal a été incarcéré voici près de 7 mois uniquement parce que ses livres et ses propos dans les médias déplaisent au régime algérien. Ancien directeur général de l’industrie, Boualem Sansal en a été révoqué semble-t-il parce qu’il n’était pas d’accord avec les méthodes utilisées par le gouvernement durant l’horrible guerre civile entre le FLN et les Islamistes, qui s’est soldée par plus de 200 000 morts entre 1990 et 1996. Aujourd’hui, le paysage socio-politique de l’Algérie a changé. Le FLN, qui a gardé le pouvoir depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962, s’est rapproché après la guerre civile des Islamistes. Marxisme et Islamisme sont ainsi liés. Ce qui explique l’extrême dureté du pouvoir algérien vis-à-vis de l’écrivain.

21News : Pourquoi a-t-il été précisément condamné à 5 ans de prison, et que risque-t-il en appel ?

N.L. : Boualem Sansal dans ses ouvrages ô combien prophétiques et sages, depuis « Le Serment des Barbares » jusqu’à « 2084 : la fin du monde » en passant par l’admirable « Village de l’Allemand », se plaît à alerter la France sur les risques d’islamisation sur le modèle algérien. Il proclame à longueur de pages dans ses livres son amour pour ses deux pays, l’Algérie et la France et c’est pourquoi, il dénonce ces risques qui sont en effet aussi réels en France qu’ils se sont concrétisés en Belgique. C’est pour cela qu’il est séquestré et aussi parce qu’on lui reproche une déclaration sur le débat relatif aux frontières entre l’Algérie et le Maroc, un débat entre historiens qui n’a jamais été tranché. C’était son droit le plus strict d’exprimer la thèse qui avait sa préférence.

21News : Sur quel critère repose la condamnation ?

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