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Israël piégé à Gaza : le triomphe posthume de Sinouar (Édito)

par Nicolas de Pape

Yahya Sinouar, concepteur macabre du massacre du 7 octobre 2023, a peut-être été éliminé par Tsahal — mais c’est depuis l’enfer, sans doute, qu’il continue de savourer le spectacle du piège qu’il a tendu à Israël. Un piège diaboliquement efficace.

Le 8 octobre 2023 au matin, que pouvait faire d’autre le Premier ministre israélien que de réagir avec une force écrasante ? En pareilles circonstances, les États-Unis, la France, la Chine ou la Grande-Bretagne auraient-ils choisi une voie différente face à une attaque terroriste de cette ampleur ? Rien n’est moins sûr. La réponse israélienne — militaire, massive, stratégique — était une réaction classique d’État-nation frappé en plein cœur.

Le Hamas règne toujours sur Gaza

Mais ce réflexe défensif est précisément ce qu’espérait Sinouar. Le Hamas savait que sa barbarie déclencherait une contre-offensive, et il avait tout préparé pour que cette réaction se retourne, à terme, contre Israël.

Un an et demi plus tard, les faits parlent d’eux-mêmes : le Hamas n’est pas vaincu. Il conserve des dizaines d’otages — vivants et morts — et continue de recruter dans une population désespérée, où rejoindre les rangs islamistes peut signifier, pour certains jeunes, nourrir leurs familles. L’armée israélienne, en voulant empêcher le détournement de l’aide humanitaire par le Hamas, se voit accusée d’organiser la famine. Elle rappelle ses réservistes, mais certains ne répondent plus à l’appel. La lassitude gagne.

Et maintenant, sous pression de ses alliés les plus radicaux, Benyamin Netanyahu envisage l’impensable : une réoccupation militaire de Gaza.

Les limites de la riposte militaire

Ce serait un désastre, sur tous les plans. Israël, qui cherche à éradiquer le Hamas, devrait non seulement poursuivre la lutte contre une guérilla urbaine dans un territoire miné et densément peuplé, mais aussi assumer l’acheminement de l’aide humanitaire, la reconstruction, la gestion civile… et les conséquences inévitables : bavures, embuscades, accusations à l’international. La responsabilité exclusive d’un territoire hostile. Un cauchemar logistique, politique, et humain.

Ce n’est pas pour rien qu’en 2005, le très droitier Ariel Sharon avait décidé de se retirer unilatéralement de Gaza, malgré l’opposition de son propre camp. Il savait que cette enclave était une impasse.

Une réoccupation durerait probablement une décennie, sans garantie qu’une autorité palestinienne crédible et pacifique soit prête à en prendre le relais. Une illusion dangereuse. Sur le plan intérieur, une telle opération diviserait encore davantage une société israélienne déjà fragmentée, et précipiterait Israël vers un isolement diplomatique plus profond.

Le piège se referme

Mais c’est là que le piège de Sinouar se referme : si Israël refuse cette option et accepte une trêve — comme celle de dix ans proposée récemment par le Hamas — elle prend le risque d’un nouveau 7 octobre, puisque le Hamas ne cache nullement son intention de recommencer, encore et encore.

Israël est donc coincé entre deux issues intenables : réoccuper Gaza, au prix de son image, de sa cohésion interne et de sa sécurité, ou temporiser avec un ennemi qui promet déjà la prochaine boucherie.

Il est toujours plus facile d’entrer en guerre que d’en sortir. Et pendant ce temps, les civils de Gaza, pris eux aussi au piège, traversent des temps de détresse et de terreur.

L’État juif ne peut compter que sur lui-même. Derrière son dos, même Donald Trump reprend langue avec l’Iran, le Qatar, la Turquie et l’Arabie saoudite.

Nicolas de Pape

(Photo : Christophe Ena/Pool/ABACAPRESS.COM)

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