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Pourquoi la guerre ne s’arrête pas : la stratégie longue de Moscou

par Harrison du Bus

L’hypothèse d’un cessez-le-feu en Ukraine revient régulièrement dans les discussions diplomatiques internationales. Elle s’appuie sur l’idée que la Russie aurait intérêt à stabiliser les lignes, à consolider ses gains territoriaux, à restaurer une forme de normalité économique. Pourtant, tout ce que l’on observe depuis deux ans montre que la paix ne constitue pas aujourd’hui une option favorable à l’équilibre du régime russe. La guerre, loin d’être une anomalie ou une dérive, est devenue le milieu dans lequel l’État russe se maintient, se structure et se justifie. La paix remettrait en jeu ce qui est désormais tenu en suspens : les fractures internes, les déséquilibres économiques et les vulnérabilités politiques. Pour Moscou, l’interruption du conflit n’est pas un signe d’apaisement, au contraire, c’est un risque.

Dans les représentations occidentales, la guerre est un état d’exception et la paix son retour naturel. En Russie aujourd’hui, l’inverse s’est progressivement établi. La guerre a absorbé et réorganisé l’ordre intérieur. Elle a produit un nouveau régime de narration nationale, fondé sur l’idée d’assiègement, de restauration historique et de continuité impériale, elle a redéfini les priorités budgétaires, les hiérarchies politiques, les horizons symboliques et la légitimité du pouvoir, elle a suspendu ce qui, en temps de paix, produit le conflit politique interne, la comparaison des performances, les attentes sociales et la critique économique.

Un cessez-le-feu réintroduirait immédiatement cette exigence de reddition de comptes, les inégalités régionales, l’usure démographique, la stagnation des infrastructures civiles, la lente érosion du niveau de vie redeviendraient visibles. La guerre opère comme un couvercle ; la paix dégagerait la pression de ce nouveau rythme de vie russe qu’a instauré la guerre, la culture de la guerre pourrait-on dire. Voilà pourquoi, dans le contexte politique actuel, la paix ne serait pas un apaisement, mais une réouverture du champ des contestations possibles. Il n’y a pas, au Kremlin, de croyance naïve selon laquelle la paix suturerait les plaies ; au contraire la conscience aiguë qu’elle en dévoilerait la profondeur.

La guerre comme principe de cohésion interne

La structure du pouvoir russe repose sur un noyau resserré d’élites liées par une solidarité négative : chacune dépend de la survie du système pour ne pas être exposée. Dans un tel régime, la rotation, l’alternance et l’ouverture constituent des menaces. La guerre, en revanche, maintient la cohésion. Elle organise un récit collectif de nécessité, dans lequel toute demande sociale est différée au nom d’un enjeu national supérieur ; elle neutralise les rivalités au sein des élites, qui se redistribuent ressources, récompenses et prérogatives à travers l’appareil militaire et sécuritaire ; elle redéfinit les attentes de la population, qui ne se mesurent plus à l’aune de l’amélioration des conditions de vie, mais à celle de l’endurance patriotique.

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