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Saisie des avoirs russes : l’UE en passe de bypasser la Belgique (Édito)

par Nicolas de Pape

Malgré les avertissements du Premier ministre Bart De Wever et, plus récemment, le cri d’alarme appuyé du ministre des Affaires étrangères, Maxime Prévot, la Commission européenne envisage un « prêt de réparation » à l’Ukraine qui serait voté à la majorité qualifiée, bypassant la Belgique. Ce prêt serait garanti par les avoirs russes (183 milliards d’euros en tout) détenus par la banque de compensation Euroclear basé en Belgique. Toutes les institutions financières ayant accumulé ces liquidités – et pas seulement Euroclear – seraient tenues de les transférer vers le nouvel instrument.

L’Ukraine meurtrie en a certainement besoin. Mais le risque systémique pour la Belgique, l’Union européenne, l’euro et même les États-Unis, est réel.

Ce serait une aventure pour plusieurs raisons :

  • Violation du droit international qui protège les avoirs des banques centrales, fussent-elles celles d’États-voyous.
  • La Russie – et elle l’a répété – pourrait entamer une action en justice contre la seule Belgique pour récupérer son bien – une part substantielle du PIB belge. Si un tribunal international lui donnait raison, la faillite de la Belgique serait consommée – rappelons que l’accord de gouvernement portait sur 10 milliards d’économies, on parle ici de plus de 180 milliards.
  • La confiance des puissants États extra-européens (BRICS, monarchies du Golfe, Asie centrale, Nord-Est asiatique…) serait ébranlée : à qui le tour, se diraient-elles ? Ils pourraient retirer massivement leurs avoirs. Cela pourrait convaincre la Chine par exemple, que l’Occident n’est décidément pas fiable et qu’il faut des alternatives asiatiques à Euroclear, Clearstream etc.
  • Un effet domino sur l’ensemble de la zone euro, partant de la Belgique, n’est pas à exclure.
  • Le dollar américain serait sous pression – pour le moins. Et la dédollarisation dans toutes les têtes des autocrates qui gouvernent le monde.
  • La Russie pourrait considérer cette saisie comme un casus belli et refuser tout accord de paix.

Signe qui ne trompe pas : quant à un prêt garanti sur les avoirs russes gelés chez Euroclear, la Banque centrale européenne a précisé que cela « violait son mandat » et a refusé d’y participer.

Certes, ce scénario participe d’une vision pessimiste : la Convention de l’ONU sur les immunités des États (2004) n’est pas entrée en vigueur (trop peu de ratifications). Mais la coutume veut qu’on ne saisisse pas les avoirs d’un État.

Certes, cela a été fait contre l’Irak notamment. Mais la Russie pèse bien davantage que l’Irak. À l’époque, d’ailleurs, le Conseil de sécurité de l’ONU – dont fait partie la Russie – avait validé. Jamais on n’est parvenu à saisir les avoirs de l’Allemagne nazie en temps de guerre et, après Pearl Harbour, ce procédé n’a pas été utilisé contre le Japon.

Certains objecteront également que le dollar est plus fort que cela et que son effondrement ainsi que celui de l’euro restent fantaisistes ; que la Chine et l’Inde n’ont pas envahi leur voisin (pas récemment en tout cas) ; que la confiscation reste une arme historique pour une négociation finale (un levier), etc.

Mais à constater l’extrême inquiétude des ministres les plus clairvoyants du gouvernement belge, on est en droit de sonner l’alarme également. Les pays du Golfe n’ont-ils pas répété que si on faisait cela, ils pensaient eux aussi retirer leurs fonds car la confiance serait rompue ?

L’interminable guerre Ukraine-Russie est devenue irrationnelle. Les Européens ne peuvent admettre la possibilité que l’Ukraine ait perdu la guerre – car ils avaient annoncé imprudemment sa victoire. Il est temps de revenir à la raison. Le contribuable européen ne peut pas être pressé comme un citron éternellement via des milliards déversés sur l’Ukraine parfois sans contrôle – la corruption endémique jusque dans l’entourage de Zelensky le démontre. L’Europe ne peut soutenir cette guerre éternellement. Il faut stopper le déclin qui s’amorce, qu’on en juge par le cri d’alarme des industriels allemands, pays dont le commerce extérieur belge dépend directement.

Nicolas de Pape

(Photo : Nicolas Tucat / AFP)

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