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Money Control ou l’ombre d’une surveillance de masse : ce que révèle la conférence du Ministry of Privacy

par Harrison du Bus
Photos Belgaimage

Juste avant le vote en séance plénière de la Chambre sur la loi qui inclut le dispositif de Money Control, le Ministry of Privacy organisait à Bruxelles un moment presse destiné à alerter sur les implications profondes du texte et à annoncer un recours devant la Cour constitutionnelle. Autour de son directeur Matthias Dobbelaere-Welvaert, des avocats Charlotte Lardenoit et Filip Smet, ainsi que des députés fédéraux Mathieu Michel (MR), sur la photo de gauche, et Vincent Van Quickenborne (Open Vld), sur la photo de droite, la rencontre a permis de disséquer un mécanisme présenté comme une innovation fiscale, mais perçu par ses détracteurs comme l’un des tournants institutionnels les plus décisifs de ces dernières années.

Derrière la lutte contre la fraude, les intervenants ont décrit une transformation structurelle de la relation entre l’État et le citoyen, fondée sur un screening préventif de l’ensemble des comptes bancaires des onze millions de Belges. Le débat soulevé lors de cette conférence ne touche plus seulement à l’efficacité administrative, mais au type de démocratie que la Belgique entend préserver dans un monde façonné par la datification et l’automatisation.

Dès l’ouverture du moment presse, Matthias Dobbelaere-Welvaert a replacé le projet dans un arc plus large. Le Ministry of Privacy, créé en 2008 pour répondre aux premières tentatives de centralisation bancaire et pour défendre un équilibre cohérent entre technologies émergentes et libertés publiques, constatait déjà à l’époque une tendance lourde : la capacité croissante de l’État à accumuler et à exploiter des données de plus en plus sensibles. Cette tendance prend aujourd’hui une ampleur nouvelle, car, avec Money Control, la Belgique ne se contente plus d’envisager l’accès ponctuel à des informations financières ; elle établit le principe d’un traitement généralisé et permanent, fondé sur des technologies de datamining dont les critères opérationnels restent, pour l’essentiel, inaccessibles au public.

Le responsable a insisté sur le fait que ce projet n’était ni marginal ni anodin. Il ne s’agit pas de renforcer un outil déjà existant, mais de modifier la logique même du contrôle fiscal. Là où l’administration fonctionnait jusqu’ici selon un modèle fondé sur des indices, des signaux précis ou des comportements identifiés, la nouvelle architecture se construit autour d’un screening préventif, c’est-à-dire une analyse automatisée préalable destinée à détecter des profils atypiques. Le problème, selon lui, n’est pas la technologie elle-même, mais la manière dont elle est employée. Un État peut recourir à des algorithmes, mais il doit en préciser les limites. Or, c’est précisément ce qui est absent.

Pour lui, la transition n’est pas simplement technique. Elle est conceptuelle. Elle transforme un modèle de contrôle ciblé, proportionné et justifié par un indice, en un modèle où l’État examine tout le monde en permanence parce qu’il en possèdera les moyens techniques.

De la base de données à la machine à soupçon : le cœur du problème

Les avocats Charlotte Lardenoit et Filip Smet ont poursuivi cette analyse en reprenant les éléments juridiques inscrits dans le communiqué de presse. Ils ont souligné qu’il existait aujourd’hui une distinction fondamentale entre deux catégories de données. La première concerne les informations fiscales classiques, issues des déclarations des contribuables ou des tiers. La seconde concerne les données bancaires centralisées dans une base technique, dont l’accès est strictement encadré. Money Control n’ajoute pas une source d’information supplémentaire mais change les conditions d’accès : cette base deviendrait consultable non pas en présence d’un indice concret, mais à l’initiative d’un algorithme chargé de repérer toute anomalie statistique.

Filip Smet a rappelé que la loi fiscale belge ne limite pas le concept « d’infraction » à la fraude. Une simple erreur matérielle, un virement inhabituel, une vente ponctuelle ou un transfert familial pourrait théoriquement être identifié comme un comportement suspect. Le système ne cherche donc pas la fraude, il cherche la divergence. C’est précisément cette logique qui fait basculer le cadre juridique vers une nouvelle catégorie de surveillance, car l’écart n’est pas en lui-même une faute, ni même un indice de faute ; il peut relever d’une multitude de raisons parfaitement innocentes.

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