Malgré quelques atouts (croissance économique au beau fixe, chômage bas), le Premier ministre socialiste, Pedro Sanchez, est, selon la majorité des observateurs, aux abois. Il a d’ailleurs songé à démissionner en avril 2024 pour ensuite se raviser. La corruption se rapproche de son entourage et sa popularité est au plus bas. La droite et la droite nationale (VOX) montent dans les sondages. Elles devraient gagner les élections locales d’Estrémadur.
Même si les conditions de la chute sont bien différentes, la lente agonie de Pedro Sanchez ressemble au crépuscule d’Emmanuel Macron. Tous s’accrochent jusqu’en 2027, le premier étant le seul, en théorie, à pouvoir espérer un troisième mandat.
Ce n’est pas seulement la droite qui dit « qu’il fait peine à voir » (Alberto Nunez Feijoo, le leader conservateur) mais, de plus en de plus, des journaux de gauche comme El País qui le décrivent au bout du rouleau, accumulant parmi ses proches et alliés les affaires de corruption et même de harcèlement sexuel. A bien des égards, sa descente aux enfers ressemble à celle de Felipe Gonzalez à la fin du siècle dernier.
Lâché par ses alliés
L’extrême-gauche Podemos ne le soutient plus et Sumar (“Rassembler”, parti de gauche créé en 2023) prend ses distances. Et la droite et la droite radicale de VOX ne cessent de monter dans les sondages.
Depuis sa parade à Gaza sud en compagnie d’Alexandre De Croo, Pedro Sanchez perd pied. Les scandales de corruption se rapprochent de lui. La Justice s’intéresse de près à sa femme et son frère même s’ils bénéficient de la présomption d’innocence. Deux fidèles – son ancien ministre des Transports et son Secrétaire de parti – sont en prison pour détournement de fond. D’autres sont sous enquête judiciaire. Le patron de la police de Catalogne – Sanchez s’est allié aux indépendantistes et leur a promis l’amnistie pour gagner les élections en 2023 – est poursuivi pour harcélement sexuel alors que le PSOE se dit féministe.
Même l’Eglise catholique le critique
M. Sanchez s’est même fait remonter les bretelles par l’Episcopat catholique dont le chef de file Luis Argüello lui demande d’organiser des élections anticipées. Sa volonté d’en finir définitivement avec l’ancien dictateur Franco coupe le pays en deux.
En Estrémadur, le parti populaire allié à VOX (à peu près comme si LR et RN faisaient campagne en France) devraient l’emporter.
Pedro Sanchez arbore certes toujours son sourire « Pepsodent » à la Tony Blair et prétend être le rempart contre Donald Trump en Europe. Il bénéficie d’une croissance rare en Europe de l’Ouest (2,9%) et d’un chômage bas mais les observateurs estiment que ce ne sera pas suffisant pour briguer un troisième mandat.
Les étapes de la chute de Pedro Sánchez
23 juillet 2023 – Élections législatives sans vainqueur clair
Le PSOE arrive derrière le Parti populaire (PP) mais Pedro Sánchez parvient à rester dans le jeu grâce à l’éclatement du Parlement. Aucune majorité naturelle ne se dégage. La survie politique de Sánchez devient arithmétique.
Octobre-novembre 2023 – Négociations sous haute tension
Pour être reconduit, Pedro Sánchez engage des tractations avec les indépendantistes catalans (Junts, ERC) et basques. Le prix politique est élevé : concessions institutionnelles et promesse d’une loi d’amnistie.
16 novembre 2023 – Investiture controversée
Pedro Sánchez est officiellement reconduit Premier ministre grâce aux voix des indépendantistes. L’Espagne se divise. Des manifestations massives éclatent dans plusieurs villes, notamment à Madrid, contre ce que l’opposition qualifie de « coup de force moral ».
Décembre 2023 – Avril 2024 – Crise de légitimité permanente
Le projet de loi d’amnistie pour les faits liés à la tentative de sécession catalane de 2017 domine l’agenda politique. Magistrats, policiers et institutions juridiques dénoncent une atteinte à l’État de droit. Le gouvernement gouverne sous tension constante.
24 avril 2024 – Annonce d’un possible retrait
Pedro Sánchez annonce publiquement qu’il envisage de démissionner, invoquant une campagne de harcèlement judiciaire et médiatique visant son épouse. Cette séquence, très théâtralisée, accentue l’image d’un pouvoir fragilisé et sur la défensive.
29 avril 2024 – Maintien au pouvoir, mais affaibli
Après quelques jours de « réflexion », Sánchez renonce à démissionner. Politiquement, l’épisode laisse des traces : autorité affaiblie, majorité encore plus instable, climat de suspicion durable.
Mai-juin 2024 – Érosion électorale et isolement
Les élections régionales et européennes confirment le recul du PSOE et la montée du PP. Les partenaires parlementaires durcissent leurs exigences. Chaque vote devient un bras de fer.
Été-automne 2024 – Paralysie gouvernementale
Difficultés à faire adopter le budget, blocages législatifs, multiplication des concessions. Le gouvernement apparaît incapable de gouverner autrement qu’en mode survie.
Fin 2024 – Début 2025 – Fin de cycle politique
Accumulation des scandales périphériques, fatigue de l’opinion, pression institutionnelle et absence de majorité stable. Pedro Sánchez se retrouve acculé, sans perspective durable.
A.G.
(Photo by Pierre-Philippe MARCOU / AFP)