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Derniers sondages : une Flandre toujours à droite, Bruxelles et la Wallonie à nouveau à gauche, comme d’habitude ! Vraiment ?

par Pascal Lefevre

La Flandre a eu besoin de la gauche pour gouverner, la droite est souvent au pouvoir en Wallonie. De quoi casser les idées reçues sur chaque région. Analyse du dernier Baromètre politique en compagnie de Pascal Lefèvre, chroniqueur politique indépendant.

Les derniers sondages relatifs aux intentions de vote effectués par la RTBF, la VRT et De Standaard entre le 3 et le 24 mars semblent indiquer que la Flandre se situe toujours à droite de l’échiquier politique, tandis que Bruxelles et la Wallonie penchent à nouveau à gauche.

Ils confortent ainsi une idée depuis longtemps largement répandue dans le nord du pays comme quoi les deux principales communautés linguistiques du pays, néerlandophones et francophones, ne poursuivraient plus des objectifs idéologiques similaires, ce qui justifierait, selon certains, d’envisager un avenir distinct.

Des nuances à apporter

À la surprise et de l’aveu même du nouvel occupant du 16, rue de la Loi Bart De Wever, les résultats des dernières élections fédérales et régionales du 9 juin 2024 auraient cependant apporté un bémol à cette affirmation.

Mais, nonobstant l’issue du dernier scrutin, on peut objectivement et légitimement se demander si cette allégation, régulièrement assénée, est totalement fondée ?

Procédons à une analyse au niveau fédéral, régional flamand, bruxellois et wallon.

Depuis le 12 juillet 1999 et la formation du premier gouvernement fédéral « arc-en-ciel » dirigé par Guy Verhofstadt, la famille libérale francophone (Fédération PRL-FDF-MCC, puis MR) a été la seule à exercer le pouvoir de manière ininterrompue, de surcroît aux côtés de son « parti frère », le VLD/Open VLD. Si l’actuel gouvernement « Arizona » se maintient jusqu’à la fin de la législature en 2029, les libéraux francophones auront ainsi co-dirigé le pays pendant 30 ans.

Le parti de Georges-Louis Bouchez a, en outre, produit 4 des 13 Premiers ministres : Charles Michel et Sophie Wilmès ayant chacun été à la tête de deux gouvernements successifs, de 2014 à 2020, alors que le PS n’a obtenu ce privilège qu’une seule fois avec Elio Di Rupo (2011-2014). Le poids des libéraux francophones a été d’autant plus marqué que 4 autres gouvernements ont été pilotés par leurs homologues libéraux flamands : les gouvernements Verhofstadt I, II, III, ainsi que la coalition « Vivaldi » sortante menée par Alexander De Croo.

Une gauche pas si dominante côté francophone

À Namur, depuis l’instauration des institutions wallonnes en 1981, les socialistes ont certes participé à 16 des 19 exécutifs et gouvernements wallons — y compris l’actuel mené par Adrien Dolimont — mais presque toujours en coalition avec des partis de droite ou du centre. Ils ont gouverné avec le PRL et le PSC à trois reprises (Dehousse I, Damseaux, Dehousse II), avec le PSC cinq fois (Coëme, Anselme, Spitaels, Collignon I et II), avec la Fédération PRL-FDF-MCC deux fois (Di Rupo I et Van Cauwenberghe I), avec le cdH cinq fois (Van Cauwenberghe II, Di Rupo II, Demotte I et II, Magnette) et avec le MR une fois (Di Rupo III). Ils n’ont été associés à Ecolo que trois fois (Van Cauwenberghe I, Demotte II et Di Rupo III), mais cette composante « progressiste » a, chaque fois, été tempérée par la présence des libéraux (deux fois : Van Cauwenberghe I et Di Rupo III) ou des humanistes (une fois : Demotte II).

À Bruxelles, les socialistes francophones ont participé à toutes les coalitions gouvernementales depuis la création des institutions régionales en 1989, mais n’en ont détenu la présidence que 7 fois sur 11 (Picqué I, II, III, IV, Vervoort I, II, III), les autres Ministres-Présidents étant tous issus du camp libéral (Simonet I, de Donnea, Ducarme, Simonet II). Si l’on y ajoute le probable futur gouvernement de David Leisterh (sous réserve de la constitution d’un cartel des gauches), cela porterait ce total à 7 sur 12. Le PS n’a été en coalition avec un parti francophone de gauche, Ecolo, que quatre fois, dont trois fois avec les centristes du cdH.

On le constate, la perception d’une Belgique dominée par la gauche côté francophone, tant au niveau fédéral que régional (bruxellois et wallon), mérite d’être fortement nuancée. Il convient en effet distinguer le vote de la participation au pouvoir, car seule la direction des affaires est susceptible d’avoir un réel impact sur les politiques menées.

D’autant plus que l’on peut sereinement s’interroger sur la situation en Flandre !

Une droite flamande pas si hégémonique

Sur 17 exécutifs et gouvernements flamands constitués depuis 1981, pas moins de 12 ont été formés avec le concours des socialistes (SP, sp.a et Vooruit), y compris le dernier et actuel gouvernement de Matthias Diependaele (N-VA, CD&V et Vooruit) : Geens I, Geens IV, Van den Brande I, II, III et IV, Dewael I, Somers, Leterme, Peeters I, II, et Diependaele.

S’agissant de la Région de Bruxelles-Capitale, dès 1989, les socialistes flamands ont participé à la quasi-totalité des exécutifs et gouvernements régionaux, soit 10 sur 12, y compris celui en cours de formation.

De plus, Vooruit a largement joué le rôle de « faiseur de Roi » lors de la formation du gouvernement fédéral « Arizona ».

On le voit, la Flandre a bien eu besoin de la gauche pour gouverner, un fait rarement souligné de l’autre côté de la frontière linguistique.

Le socialisme bruxellois et wallon, souvent décrié par certains au nord du pays, ne semble ainsi plus poser autant de problèmes lorsqu’il est flamand, y compris à Anvers, où Bart De Wever a dirigé la cité portuaire avec les socialistes depuis son accession au mayorat en 2012, ou dans d’autres grandes localités comme Louvain, Ostende, Bruges, Gand, Malines, Turnhout, Saint-Nicolas, Alost, Ypres, Zelzate et Hal.

Ce qui est jugé néfaste à Bruxelles et en Wallonie devient soudainement acceptable en Flandre et pour les néerlandophones de la capitale, même s’il est vrai que le socialisme flamand est plus « social-démocrate » que son pendant francophone.

Cela illustre malheureusement les contradictions qui tendent à opposer, parfois de manière infondée ou exagérée, Flamands, Bruxellois francophones et Wallons. L’issue du scrutin fédéral et régional de juin dernier en constitue un autre exemple.

Pascal Lefèvre, chroniqueur politique indépendant

(Photo Belga : Dirk Waem)

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